Magasins pillés, voitures incendiées, services publics vandalisés, bâtiments tagués, policiers blessés…
Ce 30 juin, la France s'est réveillée en découvrant les stigmates des trois dernières nuits d’émeutes.
Rien ne peut justifier le comportement des émeutiers. Et pourtant, des élus trouvent encore le moyen de les excuser. Philippe Rio, maire communiste de Grigny (Essonne), nous ressort ainsi le sempiternel couplet sur les « inégalités sociales » et la pauvreté des banlieues pour expliquer l’embrasement. Un comble, quand on sait que l’État, depuis plus de quarante ans, dépense sans compter pour ces quartiers dits « prioritaires ».
10 milliards d’euros, chaque année
Les années passent et les plans banlieue s’enchaînent. Lancée à la fin des années 1970 pour enrayer les dégradations physiques et sociales des ensembles urbains, la politique de la ville se construit ensuite en réaction aux émeutes de Vénissieux (1981) et Vaulx-en-Velin (1990). L’objectif affiché est clair : restaurer la « cohésion nationale » et réduire « les écarts entre territoire », rappelle la Cour des Comptes. Plan après plan, ministre après ministre, les subventions pleuvent alors sur les quartiers prioritaires. 15 milliards de francs pour un « plan Marshall » de la ville en 1996, 20 milliards de francs pour les quartiers difficiles sous Jospin, 30 milliards d’euros pour la réhabilitation des logements sociaux avec Borloo, 1 milliard pour lutter contre le chômage des moins de 26 ans, cinq ans plus tard, 9,6 milliards d’euros dépensés au titre de la politique de la ville en 2019… Les plans banlieue sont devenus « une machine sans compteur », s’alarme la Cour des comptes, en 2012. « Depuis la fin des années 1970, 200 milliards d’euros au bas mot ont été engloutis », comptabilise l’association Contribuables associés. Un chiffre repris par le député Pierre Cordier. « Au total, ce sont 200 milliards d’euros qui ont été dépensés pour la politique de la ville, ces quarante dernières années », note l’élu Les Républicains.
Pour la Cour des comptes, impossible de connaître le montant exact alloué par l’État aux banlieues. Les experts de la rue Cambon estiment, a minima, que la France « consacre [à la politique de la ville] 10 milliards d’euros chaque année, auxquels s’ajoutent les financements de la rénovation urbaine et les dépenses, difficilement mesurables, des collectivités territoriales ». Un montant qui représente 4 % du budget global de l’État et plus du double du budget annuel du ministère de la Culture.« La politique de la ville est un échec »
Et pourtant, malgré les milliards d’euros déversés chaque année dans les banlieues, l’échec est patent. Les Présidents successifs le reconnaissent eux-mêmes. En réactions aux émeutes de 2005, Nicolas Sarkozy confiait à L’Express : « Plus on a consacré de moyens à la politique de la ville, moins on a obtenu de résultats. » Même conclusion du côté d’Emmanuel Macron qui, en Conseil des ministres, glissait : « La politique de la ville est un échec. Depuis vingt ans, on a donné des milliards sans jamais régler les problèmes. » Un constat amer qui ne les a pas empêchés, ni l’un, ni l’autre, de continuer à distribuer généreusement l’argent public dans les banlieues. Même Danièle Obono, députée de La France insoumise, le reconnaît : l’échec de la politique de la ville « fait l’unanimité ». Et ce, alors que les banlieues, plus que toute autre zone de France, ont fait l’objet d’une attention toute particulière. Au même moment, la France périphérique, délaissée des services publics, attend dans le calme de recevoir une aide.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Côté éducation, « l’illettrisme est deux fois plus fréquent en quartier prioritaire, avec 14 % de la population en situation d’illettrisme », notent les observateurs de la politique de la ville. Côté emploi, les subventions généreuses n’auront pas rétabli le plein-emploi, au contraire. Dans les banlieues, le taux de chômage oscille entre 16,5 et 19,6 %, contre 7 % dans le reste de la France. Les milliards d’euros versés n’auront même pas servi à acheter le calme. Délinquance, criminalité, insécurité... les quartiers prioritaires sont les plus touchés, selon un rapport du ministère de l’Intérieur. Les émeutes de ces derniers jours en sont la preuve.
À coups de subventions, les gouvernements successifs ont cru pouvoir éviter l’incendie. Les émeutes qui embrasent leur donnent tort. Loin d’être économique, l’enjeu des banlieues est avant tout civilisationnel.
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