Il faut s’imaginer la scène : au cœur de la forêt de Compiègne, au milieu de la nuit et sous le toit d’un wagon restaurant, une poignée de plénipotentiaires ont en leurs mains l’avenir du monde.
Deux trains ont été acheminés dans le plus grand secret, réunissant une délégation allemande, dirigée par le représentant du gouvernement Matthias Erzberger, et de hauts dignitaires français, au rang desquels le maréchal Foch, commandant suprême des forces alliées.
Nous sommes le 11 novembre 1918, il est 5 h 20 du matin, l’armistice vient d’être signée, la Grande Guerre est officiellement terminée.
Cela fait pourtant trois jours que les wagons stationnent dans cette clairière boueuse. Trois jours de négociations, ou plutôt trois jours de calvaire pour les Allemands, auxquels aucune marge de négociation n’a été laissée : « Qu’est-ce qui amène ces messieurs ? », leur lance le maréchal Foch, généralissime des troupes alliées. Ferme et déterminé, il insiste auprès du plénipotentiaire qui lui demande ses propositions : « Je ne suis autorisé à vous les faire connaître que si vous demandez un armistice. Demandez-vous un armistice ? » Suit alors une brève concertation entre ses interlocuteurs : « Nous le demandons. » Sans plus de formalités, on leur remet un texte où figurent les conditions de paix. Les Allemands ont trois jours pour y réfléchir et les accepter. Abandonnée par ses alliés, l’Allemagne vient d’essuyer une série de défaite et ne peut plus croire à la victoire. À l’intérieur des ses frontières, une révolte menace ses dirigeants. L’armistice apparaît alors comme la seule issue.
Le surlendemain, 11 novembre, à 11 heure, la nouvelle de l’armistice tombe. En France comme en Allemagne, le soulagement est immense. C’est la fin de l’enfer ! Sur le front, les clairons résonnent, les fusils tombent, les soldats jaillissent des tranchées et « la Marseillaise » retentit. Dans toutes les villes et les villages une volée de cloches vient saluer la délivrance. À Paris, un million de personnes descendent dans les rues, les gares se remplissent d’une foule en liesse, accourue à la nouvelle du retour des soldats. On célèbre la fin des combats, le retour au foyer et la paix tant attendue. Une paix au goût amer, toutefois, qui laisse derrière elle 9 millions de morts et 21 millions de mutilés. Côté français, ce sont un million et demi de soldats qui ne rentreront pas à la maison. Un million et demi de vies offertes pour la défense de la patrie.
Mais la paix n’est pas encore tout à fait gagnée, de nombreuses et longues négociations sont encore nécessaires pour mettre totalement fin au conflit. Clemenceau en est bien conscient lorsqu’il confie à son chef de cabinet, le général Mordacq : « Nous avons gagné la guerre et non sans peine. Maintenant, il va falloir gagner la paix, et ce sera peut-être encore plus difficile. » Initialement signé pour une durée de trente-six jours, l’armistice est reconduit à plusieurs reprises. Mais il faut attendre le traité de Versailles, le 28 juin 1919, pour que la sortie de la guerre et la paix soient définitivement actées.
Célébré traditionnellement en souvenir des morts de la Grande Guerre, le 11 novembre est, depuis 2012, un jour d’hommage à tous les morts pour la France. Ces cérémonies nous rappellent un temps où l’on croyait encore en la patrie, où l’on était prêt à donner sa vie pour elle, dans une mort glorieuse que connut Charles Péguy et qu’il avait ainsi chantée :
« Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles,
Couchés dessus le sol à la face de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts sur un dernier haut lieu,
Parmi tout l’appareil des grandes funérailles. »
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