Cette fois-ci, la ficelle était vraiment trop grosse et le président ukrainien, en persistant à proclamer que le missile tombé en Pologne avait été tiré par la Russie, a fini par agacer jusqu’à Washington.
L’épisode polonais laissera certainement des traces en démontrant jusqu’où Zelensky était prêt à aller pour entraîner les pays de l’OTAN dans une confrontation directe avec la Russie.
Le 15 novembre dernier, après plusieurs heures d’angoisse et la confirmation par ses services de renseignement que le missile tombé dans le village de Przewodów provenait des systèmes de défense ukrainiens, Joe Biden s’était efforcé d’apaiser au plus vite la situation. Manifestement au grand dam d’un président ukrainien bien décidé à continuer à souffler sur les braises.
CNN faisait état, le 17 novembre, des tensions qui en avaient résulté. Jake Sullivan, conseiller du président à la Sécurité nationale, avait été chargé d’appeler Kiev pour demander aux Ukrainiens de faire preuve de plus de prudence dans leurs déclarations et Joe Biden n’avait pas donné suite aux demandes de Zelensky concernant un échange téléphonique direct. Pour bien comprendre ce qui se jouait à ce moment-là, il fallait resituer cet épisode dans son contexte. Début novembre, le Washington Post avait révélé que les États-Unis demandaient en privé à l’Ukraine de montrer qu’elle était désormais prête à négocier avec la Russie. Le missile tombé en Pologne permettait donc opportunément d’en revenir à une rhétorique guerrière.
Cette séquence en rappelait une autre. En octobre dernier, le New York Times avait également fait des révélations fracassantes. Les agences de renseignement américaines reconnaissaient que le gouvernement ukrainien était bien à l’origine de l'attentat à la voiture piégée qui avait eu lieu, au mois d’août, dans la région de Moscou et qui avait coûté la vie à la fille d’Alexandre Douguine, intellectuel « eurasiste », présenté comme un des inspirateurs de la politique étrangère de Vladimir Poutine. À l’époque, un conseiller de Zelensky, Mykhaïlo Podolyak, avait déclaré : « Je confirme que l'Ukraine, bien sûr, n'a rien à voir avec cela parce que nous ne sommes pas un État criminel, comme la Fédération de Russie, et de plus nous ne sommes pas un État terroriste. » Face aux actions de sabotage et aux assassinats ciblés menés par Kiev, l’administration américaine cherchait à prendre ses distances avec une politique dont elle mesurait les risques d’escalade.
« Certains responsables américains estiment qu'il est crucial de freiner ce qu'ils considèrent comme un aventurisme dangereux, en particulier les assassinats politiques », écrivait le New York Times. Le journal ajoutait que Washington avait demandé à Kiev « de ne pas utiliser d'équipement ou de renseignements américains pour mener des attaques à l'intérieur de la Russie ». L’article avait été publié le 5 octobre. Deux jours plus tard, un camion piégé explosait sur le pont qui relie la Crimée à la Russie. L’action avait été menée de manière à avoir lieu le jour de l’anniversaire de Vladimir Poutine, le 7 octobre. Si l'attaque n'avait pas été revendiquée, Kiev n'avait cependant pas caché sa joie (« Malheureusement, c'était nuageux en Crimée », avait ironisé Zelensky). Manifestement le gouvernement de Kiev n’avait pas écouté les messages de modération de l’administration américaine. Une escalade brutale s’en était suivie avec des frappes de représailles russes sur toute l’Ukraine. Ces différentes séquences illustrent les difficultés auxquelles les Américains risquent d’être confrontés s’ils commencent à donner des signes de désengagement et de lassitude. Zelensky et son entourage seront tentés de radicaliser leurs actions afin de pousser les Occidentaux à maintenir leur soutien en faveur de la guerre et de leurs objectifs maximalistes, c’est-à-dire la reconquête de tous les territoires perdus, y compris la Crimée. Washington se retrouvera alors pris à son propre piège, car on ne fait pas la révolution avec des modérés. En février dernier, alors que la guerre menaçait, la presse américaine observait que Zelensky risquait d’être renversé par les groupes paramilitaires nationalistes s’il acceptait un accord de paix avec la Russie. Maintenant que la guerre est là et que les Américains semblent désormais chercher une porte de sortie, devront-ils finalement constater que le plus gros obstacle n'est finalement pas à Moscou mais à Kiev
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