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lundi 8 août 2022

[Tribune] Le son du canon au Kosovo : comment l’OTAN déstabilise l’Europe


 

Stéphane Buffetaut 7 août 2022

Le son du canon s’est fait à nouveau entendre aux limites du pseudo-État du Kosovo, non reconnu par l’ONU ni, au sein de l’Union européenne, par l’Espagne, la Grèce, la Roumanie, la Slovaquie et Chypre, pas plus que par la Serbie, pour qui le Kosovo est le berceau de la nation, notamment sur le plan spirituel. 

Ce territoire reste donc un point d’instabilité dans les Balkans.

Rappelons que la résolution 1160 de l’ONU du 31 mars 1998, point 5, stipulait que « le règlement du problème du Kosovo doit reposer sur le principe de l’intégrité territoriale de la république de Yougoslavie […] et exprime son appui à un statut renforcé pour le Kosovo qui comprendrait une autonomie sensiblement accrue et une véritable autonomie administrative ». Il n’était nullement question d’indépendance. Mais les États-Unis n’en eurent cure. Dès le 24 mars 1999, l’ bombardait la Serbie, sans mandat de l’ONU et donc en pleine illégalité internationale.

La justification de cette intervention était un prétendu plan d’épuration ethnique contre les populations d’origine albanaise, baptisé « fer à cheval ». Or, celui-ci avait été monté de toutes pièces afin de justifier l’intervention armée. « Révélé » par le ministre allemand Rudolf Scharping en avril 1999, soutenu par le porte-parole de l’ de l’époque Jamie Shea, ce « plan » n’était qu’une manipulation grossière qui fut dénoncée, dès fin 1999, par le journaliste Daniel Pearl, du Wall Street journal, suivi par le Spiegel, le 10 janvier 2000. Dans un article de la Revue du crieur de février 2019, Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin ont qualifié cette fausse nouvelle « d’archétype des fake news diffusées par les armées occidentales reprises par tous les journaux européens ».

Qu’importe, les États-Unis voulaient la guerre, l’indépendance du Kosovo et leur base militaire Bondsteel. Le sous-secrétaire d’État pour les affaires politiques, Nicholas Burns, était sans ambiguïté : « Les États-Unis soutiennent fortement l’indépendance du Kosovo », déclarait-il, le 11 mai 2007. Lors de la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo, le 17 février 2008, il affirmait : « Nous considérons comme très positif le fait qu’un État musulman, un État à majorité musulmane, ait été créé aujourd’hui. » L’Agence internationale de presse coranique soulignait alors que les USA « pousse les États arabes et musulmans à faire preuve de solidarité avec les musulmans du Kosovo ». Et ajoutait que « les médias occidentaux, y compris américains, débordent de préoccupations liées à la création d’une enclave musulmane au sein d’une qui pour l’instant (sic) demeure majoritairement chrétienne »(24/2/2008).

Il est probable que les chrétiens du Kosovo ne partagent pas l'enthousiasme de M. Burns. Depuis 1999, 135 églises, couvents et monastères ont été détruits au Kosovo. La KFOR (force de l’OTAN) se montre d’une consternante inefficacité pour protéger les édifices chrétiens.

Mais il y a aussi les hommes. Un rapport de Dick Marty du 16 décembre 2010 au Conseil de l’ révéla que des prisonniers serbes avaient été transférés en Albanie pour y être assassinés afin de prélever leurs organes pour les revendre. Ce trafic immonde, connu dès les années 1998/1999, fut occulté par l’OTAN et les médias occidentaux afin de ne pas ternir l’image du Kosovo. La réalité de ces crimes fut confirmée en 2014 par le procureur John Clint Williamson. Quant au kosovar qui proclama l’indépendance en 2008, Hashim Thaçi, il fut inculpé de crime de guerre et de crime contre l’humanité par le tribunal spécial pour le Kosovo le 5 novembre 2020.

Aujourd’hui, cette enclave islamique reste un lieu d’instabilité et de troubles. Les minorités serbe et tzigane, chrétiennes, y sont perpétuellement menacées. C’est, en outre, un foyer de corruption et de crime organisé, comme le reconnaît l’Union européenne, qui néanmoins déverse ses largesses sur ce territoire, soit au travers de prêts de la BEI [Banque européenne d'investissement, NDLR], soit par des accords signés par la Commission (par exemple, le programme cadre Horizon du 23/3/2022).

Tout cela conduit à s’interroger sur le rôle des États-Unis et de l’OTAN depuis la fin du communisme en Europe. L’Alliance, facteur de stabilité et de paix durant la guerre froide, est devenue une des sources de risque en Europe. L’article 5 du traité de l’Atlantique Nord qui instaure la solidarité défensive en cas d’attaque d’un de ses membres semble avoir été mis au second plan pour faire place à un droit d’ingérence dans les affaires intérieures d’États n’en faisant pas partie. Quitte à utiliser la désinformation pour justifier une intervention militaire ou des révolutions « de couleur ». Mais l’empire états-unien agit avec la maladresse née de la méconnaissance des données de l’histoire et de la géographie des régions qu’il se plaît à précipiter dans le chaos. Tout cela avec un moralisme de façade écœurant. Dans son livre Les Conséquences politiques de la paix, Jacques Bainville soulignait deux traits dominants du traité de Versailles : « Un caractère moral prononcé, car il est facile de mettre des lieux communs de moralité à la place du raisonnement politique qui exige un effort intellectuel et une préparation particulière. Ensuite un caractère économique non moins accusé et qui s’accorde avec le moralisme puritain. » Rien de nouveau sous le soleil. Mais chacun connaît la suite des traités de 1919 !

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