Dans la série - qui ne sera pas que de l'été - des pénuries : après les produits de base (eau, électricité, gaz et moutarde), les professions indispensables.
Gabrielle Cluzel a dénoncé l'amateurisme du gouvernement dans le recrutement du personnel en crèches et en EHPAD.
On a aussi eu droit à : y aura-t-il un enseignant devant chaque classe ? Le ministère de l'Education nationale bricolera : listes complémentaires, contractuels et job dating compenseront le déficit de candidats aux concours d'enseignement. Mais voilà que la presse s'alarme à bas bruit d'autres pénuries de professions indispensables à la scolarisation et, plus largement, à la vie sociale de la jeunesse et des familles : les maîtres-nageurs pour les piscines municipales et les chauffeurs de bus scolaires.
Pour les célèbres MNS, franceinfo et Le Monde ont lancé l'alerte il y a quinze jours. Même constat sur la situation et sur ses causes : il manque plus de 5.000 surveillants de bassin, selon la Fédération française de natation, la formation serait trop chère et les salaires pas à la hauteur, vu le niveau de responsabilité. Et les reportages de dérouler l'enchaînement tant de fois entendu : crise des vocations, disparition des valeurs d'aide et d'assistance. Conséquences : des piscines contraintes de fermer ou de réduire leurs horaires. Et cela, nous dit Le Monde, ne s'arrêtera pas avec les vacances, ce qui pose un problème dans un pays où le « savoir nager » (comme on dit à l'Éducation nationale) régresse, puisque seulement un élève entrant en 6e sur deux sait nager. Bon courage aux collègues d'éducation physique et sportive chargés de compenser cette dégringolade.
Mais un autre problème va se poser à ces petits 6e ne sachant pas mieux lire, écrire et compter que nager, mais aussi aux autres et à toutes ces familles de la France périphérique pour lesquelles le bus scolaire est indispensable : y aura-t-il un chauffeur dans leur bus scolaire, le 1er septembre ?
C'est l'AFP qui a lancé le pavé dans la piscine de cette fin de vacances : il manquerait, là aussi, plusieurs milliers de conducteurs : 8.000 ! Même musique qu'au bord des bassins : « Il y aura forcément des lignes qui ne pourront pas être assurées », selon Jean-Marc Rivera, délégué général de l’OTRE (Organisation des transporteurs routiers européens), cité par CNews. Et là encore, mêmes constats un peu paresseux de nos confrères sur les causes : le Covid, le manque d'attractivité salariale (bien réel).
Alors oui, on peut revaloriser, assouplir des dispositions administratives absurdes interdisant certains cumuls, comme le réclame justement le même Jean-Marc Rivera. Parenthèse : mais au fait, ce n'était pas dans l'ADN du macronisme, ces assouplissements, ce libéralisme pour les « petits » que l'on n'a jamais vu venir ? Oui, il faut faire tout cela.
Mais il faudrait aussi ne pas se voiler la face sur LA cause de la désaffection pour ces professions d'encadrement des jeunes et des scolaires. Oui, exactement la même que celle des enseignants. Vous ne voulez certainement pas de mon poste en REP récompensé par une prime royale de 100 euros supplémentaires. Pas plus que je ne veux de celui du chauffeur de bus chargé de me conduire mon public tous les matins, comme j'en ai fait l'expérience : seul face à ces quatre-cinq collégiens plus ou moins impolis, agressifs, qui mettent le souk dans le bus comme ils peuvent le faire en classe. Et pour les bassins, me direz-vous, faut-il tomber dans un amalgame facile ? Eh bien, oui, ni franceinfo ni Le Monde n'ont voulu se jeter à l'eau, mais ils n'ont pu tout à fait éviter le carrefour interdit : « Sans vouloir s’y attarder, Christelle Chaux cite également le problème des "incivilités" : "Cela existe en saison, oui. On ne devient pas maître-nageur pour faire la police au bord des bassins". » La voilà, la cause cachée, indicible, euphémisée au possible : les incivilités. Derrière le mot abstrait, une litanie d'agressions de MNS durant l'été (et avant), que ce soit à Narbonne, où la piscine avait même dû fermer ses portes, tout comme à Amnéville, en Moselle.
Après avoir éludé le problème, notre bonne presse donne la parole à Keolis, la filiale de la SNCF, acteur majeur du transport en bus. Là encore, aucune surprise, on nage en plein déni et en idéologie profonde : l'entreprise souhaite « recruter des nouveaux profils avec des promotions 100 % féminines ou en embauchant des réfugiés grâce à des partenariats noués avec des associations ».
Et puis, cet aveu, comme une concession au réel : « Mais Keolis mise surtout sur des profils historiquement pourvoyeurs de main-d’œuvre comme les seniors et les anciens militaires. »
S'il en faut dans les bus, autour des piscines, dans les clubs de sport et j'en passe, on risque rapidement d'en manquer, des « anciens militaires ».
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