Dans les expressions dramatiques employées par Emmanuel Macron pour caractériser les changements imposés par l'inflation et la crise énergétique, il y a eu cette étonnante « grande bascule ».
On a bien compris quel était le point de départ : l'abondance et l'insouciance, mais l'arrivée - et le cap - était beaucoup plus floue : pénurie ? Rationnement ? Transition énergétique heureuse ? Surtout, l'expression déborde le champ économique, elle est éminemment politique.
C'est même le titre d'un essai décrivant le retour des tensions en Europe et des révoltes intérieures. Or, si Emmanuel Macron ne mettait pas forcément une charge politique derrière ces mots, les Français, eux, ne s'y trompent pas.
Une étude commandée par le think tank Destin commun à YouGov révèle que les Français n'adhèrent pas au discours déroulé par Emmanuel Macron et son gouvernement. Et d'abord sur les causes de la crise : 65 % ne comprennent pas bien les raisons de la crise - un chiffre considérable. Et un chiffre lourd de menaces, car ce sont les plus touchés par l'inflation qui sont les plus réticents à suivre les explications officielles. « Destin commun » pointe le risque de « contestation sociale ». Surtout, les Français ne sont que 38 % à incriminer la Russie comme responsable exclusive de l'inflation, le chiffre le plus bas des pays de l'Union européenne. Et ils sont 33 % à rendre le gouvernement et Emmanuel Macron responsables. En cause, certainement, ses choix erratiques en matière énergétique (abandon puis reprise précipitée du nucléaire).
Face à la ↗️ des prix, l'incompréhension est massive. Ce sont 2 Français sur 3 qui n'en comprennent pas les raisons. Et c'est encore plus élevé chez les personnes directement impactées. Terreau propice à la contestation.
— Destin Commun (@Destin_commun) August 26, 2022
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Grégoire Poussielgue, dans Les Échos, a d'ailleurs surtout retenu de cette étude les chiffres impressionnants annonçant (65 %) et même souhaitant (40 % !) la reprise d'un mouvement de contestation fort du type gilets jaunes.
Ce sondage nous apprend encore - mais qui en doutait ? - que les Français, à 49 %, dans cette crise où on leur demande des efforts, souhaitent une diminution des flux migratoires, et que, dans le discrédit généralisé frappant la parole politique, « parmi les partis auxquels les Français font confiance pour répondre à cette crise, c’est le Rassemblement national qui arrive en tête ».
Donc, oui, la grande bascule est en marche, mais il apparaît qu'elle ne sera pas seulement énergétique et économique, mais surtout politique. D'ailleurs, elle a déjà commencé, avec la forte progression du RN aux dernières élections et le basculement de plusieurs dizaines de départements et de circonscriptions. Et si les événements inattendus comme la guerre en Ukraine et le retour de l'inflation peuvent accélérer la transition énergétique, elles le feront aussi forcément pour la transition politique en renforçant la mobilisation de la France périphérique, la plus touchée par l'inflation et la question énergétique. Si Emmanuel Macron, comme le lui ont reproché beaucoup de commentateurs, peine à dessiner l'après, c'est peut-être qu'il sait, comme beaucoup de Français, qu'il sera l'une des principales victimes de cette grande bascule.
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