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mercredi 24 août 2022

Etrange histoire, en effet … (Par Jean-Paul Pelras)


Voilà, l’été se termine. Je veux dire par là, celui des touristes, de Bison futé, des grandes transhumances qui dessinent des samedis noirs et des chassés croisés, qui siphonnent les polypiers urbains pour peupler ceux qui longent l’océan ou la Méditerranée. 

La sécheresse, les incendies, l’Ukraine, la Covid, la rentrée, l’inflation, Brégançon …, très peu Brégançon. Et on remélange, la Covid, l’Ukraine, la sécheresse, les inondations, la rentrée …, toujours rien, ou presque, sur Brégançon.

Et puis il y a ce chemin quelque part sur l’Aubrac où, en fermant les yeux, on croit entendre craquer des biscottes sous nos pas. L’herbe est rôtie comme en 1976 disent les anciens. D’ici quelques semaines la neige aura tout recouvert, les bêtes seront redescendues parfois d’elles-mêmes dans l’alcali des étables perçant de leurs cornes en forme de lyre le brouillard sur les hauteurs de Brameloup ou de Bonnecombe.

Oui, il y a ce chemin où je marche ce matin là en poussant du pied quelques cailloux, en cherchant toujours et encore ce sommet qui nous conduit inévitablement vers d’inavouables certitudes. Avec, comme souvent, pour nous accompagner, une bordée de souvenirs et d’insaisissables questionnements.

1992-2022, presque trente ans jour pour jour. La prise de la préfecture, la prison quelques mois plus tard, des centaines de manifestations, d’actions plus rocambolesques les unes que les autres …, et puis plus rien, si ce n’est ce que l’on raconte le soir venu à 400 kilomètres de là dans un petit bistrot aveyronnais où il faut évoquer cette période avec précaution. 

Une préfecture prise d’assaut, des dizaines de camions vidés, parfois brulés à la frontière, presque 50 manifs en un seul été, des ministères visités, des procès interminables, des ordinateurs qui passent par la fenêtre rue de la Boétie, un congrès perturbé du côté de Versailles, Puech réveillé à Rignac, Glavany prévenu à Maubourguet, deux agricultures, évidemment deux agricultures …, celle de ceux qui perçoivent la PAC et celle, réduite à sa portion congrue, de ceux qui n’ont jamais pu en bénéficier.

L’impitoyable prescription des années

30 ans de bagarres évoqués entre deux Suze cassis et 2 bocks panachés dans ces conversations où l’on écoute, circonspect, les histoires d’un paysan devenu journaliste, d’un trublion diront certains qui ne fait que passer, d’un ancien syndicaliste qui dit connaître le métier, d’un gars venu du Midi dont il faut forcement se méfier. Et pourtant tout est vrai, y compris les séquences oubliées ou diluées derrière l’impitoyable prescription des années.

Pendant ce temps, à 400 kilomètres de là, de ce côté-ci des Pyrénées, certains disent qu’il ne faut plus déranger les préfets à l’aube ou réveiller les élus des potron-minet, que les députés font ce qu’ils peuvent, que certaines médailles sont méritées, qu’il faut composer avec les écolos et parfois même se résoudre à changer de boulot, qu’il faut passer à autre chose, que tout cela n’a servi à rien, que certaines méthodes ont vécu, qu’il faut imaginer un autre chemin.

Etrange histoire en effet que celle-ci, ballotée et bientôt oubliée entre ceux qui l’ont vécue, ceux qui ne la croient pas et ceux qui n’en veulent plus.

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