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mardi 23 août 2022

[Point de vue] Sanctions contre la Russie : La France se tire une balle dans le pied


 

 Olivier d’Auzon 22 août 2022

Lors de la traditionnelle commémoration de la libération de Bormes-les-Mimosas, le président de la République Emmanuel Macron a dénoncé, le 19 août dernier, « l’attaque brutale » de la Russie en Ukraine et appelé les Français à en accepter les conséquences économiques. 

Comme s'il convoquait les « Gaulois » à un devoir de résilience… En février dernier, le ministre de l’Économie, M. Bruno Le Maire, militait au contraire pour que les « les sanctions contre la Russie soient immédiates, lourdes et efficaces » afin de « provoquer l'effondrement de l'économie russe ».

Or, aujourd’hui, force est de constater que la crise en Ukraine fait flamber les prix du pétrole et de l’énergie. Quant au rouble, il ne s’est jamais aussi bien porté. Le baril de brut est à son plus haut niveau depuis 2014, les contrats de gaz naturel sont en hausse de 12 %. Dans le même temps, la Russie livre un tiers du gaz à l’Europe et assure 10 % de la production mondiale de pétrole. Si le rouble est d’abord tombé à un taux de 120 roubles pour 1 dollar, pour l’heure, après un redressement spectaculaire, le taux de change est inférieur à 60 roubles pour 1 dollar.

Par ailleurs, l'embargo décrété par la Russie le 6 août dernier sur certains produits alimentaires européens en représailles aux sanctions imposées par Bruxelles va causer un préjudice considérable à l'agriculture française. Par effet boomerang, l'impact de l'embargo russe sera rude. Pour mémoire, en 2013, la France avait expédié pour plus d'un milliard d'euros de produits alimentaires, sur les dix milliards qu'a importés la Russie de l'Union européenne.

Sur le plan alimentaire, il ne manque rien, en Russie. Et nos concurrents nous ont vite remplacés, à l’instar du Brésil qui vient de créer une centaine d’entreprises susceptibles d’exporter des fruits et légumes en Russie ou du Tadjikistan, ce pays d’Asie centrale qui, contre toute attente, s’est allié avec le Kirghizistan pour y transporter lui aussi des fruits.

C'est un conflit diplomatique dont les conséquences économiques sont graves pour le monde paysan. La Russie représente 10 % des exportations totales agricoles européennes. Ce volume important s'est évaporé et se traduit en pertes sèches pour beaucoup de producteurs.

Les sanctions contre la Russie pénalisent la France au premier chef et pas seulement l’industrie agroalimentaire. Car les entreprises françaises sont très présentes en Russie, à l’instar de la Société générale, première banque privée du pays. Cette dernière a, du reste, financé l’autoroute Moscou-Saint-Pétersbourg. Le secteur bancaire français a financé près de 35 milliards d’euros d’investissements dans le pays. Dans ce contexte, s’escrimer à détruire l’économie de la Russie, c’est se tirer une balle dans le pied.

Même suicide avec TotalEnergies, Le géant français contrôle environ 30 % du consortium Yamal, situé au cœur de l’Arctique russe ô combien stratégique. Ce consortium est piloté par Novatek (russe) qui le contrôle à hauteur de 50,1 %. Suivent les majors pétrolières TotalEnergies (France) et CNPC (Chinois) avec 20 %. Enfin, le fonds d’investissement chinois d’État dédié aux routes de la soie, Silk Road Fund, détient 9,9 % du projet. Toutefois, comme TotalEnergies détient 19,4 % de Novatek, le Français pèse en réalité pour 29,7 % dans la prise de décision du projet.

Enfin, Renault détient près de 33 % du marché automobile du pays et la société de distribution Auchan est le premier employeur étranger en Russie. Qu’on se le dise, si les entreprises françaises quittent la Russie, elles ne pourront plus y revenir.

Dans cette perspective, Washington a beau jeu de vouloir imposer des sanctions contre la Russie : son rapport commercial avec cette dernière n’est que de 1 à 10 en comparaison avec les États européens. Mais il y a plus… On pourrait s’interroger sur le grand bénéficiaire du renchérissement du prix du gaz : les États-Unis ont un avantage de compétitivité énorme, puisqu’ils sont autosuffisants en gaz.

Le bon sens militerait pour qu’on arrime la Russie à l’Europe. Agir comme si on voulait à tout prix jeter la Russie dans les bras de la Chine n’est-il pas suicidaire ? La France, qui accuse un déficit commercial de 60 milliards, ne peut pas se payer le luxe de bouder un marché aussi prometteur que celui de la Fédération de Russie

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