À l’heure où le monde occidental prend conscience de la manière inhumaine avec laquelle les autorités chinoises gèrent l’épidémie de Covid, Virginie Joron, eurodéputée RN et membre du groupe Identité et Démocratie, a interpellé le commissaire européen Thierry Breton sur le projet européen de création d’un « portefeuille d’identité numérique » à l’horizon 2030.
Elle alerte sur les risques de la mise en place d'un véritable contrôle social « à la chinoise » en Europe. Et répond aux questions de Boulevard Voltaire.
Sabine de Villeroché. En quoi la création d'un portefeuille européen d’identité numérique conçu pour le bien des citoyens serait-elle une menace pour nos libertés ?
Virginie Joron. Le sujet de l’identité numérique européen avec le fameux « portefeuille européen d’identité numérique »
est un sujet passionnant et effrayant en même temps. Il peut nous
faciliter la vie, c’est vrai : dans une application, on aura notre carte
d’identité, notre carte bancaire, notre carte de Sécurité sociale
et notre carte d’embarquement. De plus, comme l’évoque la Commission,
tout cela reste encore facultatif. Mais la menace pour nos libertés est
aussi multiforme. C’est pourquoi plus ce projet de décennie numérique
pour l’horizon 2030 avance et plus les craintes se font jour.
On a découvert, avec le passe vaccinal
et son code QR relié à la caisse de Sécurité sociale, que le pouvoir
pouvait nous interdire de restaurants, de discothèques, de salles de
cinéma, de salles de sport. Pire : des médecins, infirmiers ou encore
pompiers ont été interdits d’exercer leur profession. Des professionnels
pourtant d’utilité publique.
Cette dérive autoritaire a été inattendue et excessive au regard de
l’évolution de la pandémie. Son seul but était/est-il uniquement la
vaccination de masse ? Assurément Machiavel aurait intégré cette
expérience dans ses écrits s’il avait vécu à notre époque.
Voilà pourquoi certains s'interrogent sur la portée de cette dérive de
la conduite de l’État. Assistons-nous à un test grandeur nature pour
tester notre aptitude à nous soumettre à un système de contrôle sous
couvert d’urgence pandémique ?
À Bruxelles, cette expérience est vue comme un tremplin pour nous faire
accepter ce portefeuille européen d’identité numérique. La pandémie
ayant provisoirement disparu, l’extension du Certificat Covid européen
jusqu’en juin 2023 sera voté sous prétexte de nouvelle pandémie ou de
nouveaux variants. Le vote en Commission LIBE (libertés civiles) au
Parlement européen a eu lieu la semaine dernière. Le vote final aura
lieu en juin et je voterai, bien sûr, contre avec les élus du
Rassemblement national.
Sous prétexte de lutte contre la pandémie, on nous fait entrer petit à
petit dans un système de contrôle, de traçage, de frontières intérieures
voire d’exclusion pourtant contraire au sacro-saint principe bruxellois
de la liberté de circulation. Pour rappel, la liberté de circulation et
de séjour des personnes dans l'Union a été instaurée par l’article 48
du traité de Rome en 1957. C’est, depuis 70 ans, une pierre angulaire de
la citoyenneté de l’Union.
J’ai visité récemment, avec des collègues eurodéputés, des
professionnels du secteur de la technologie biométrique. L’avancement de
ces technologies est effectivement impressionnant. Tout est prêt, comme
le code QR associé avec la photo et le vaccin. Il n’y a plus qu’à
choisir le support : implantation de puce ou application ?
Nous avons eu de belles démonstrations de reconnaissance faciale et de reconnaissance vocale et ces experts se sont voulus rassurants. Mais qui va gérer nos données ? Microsoft ? Qui va décider de ces exclusions ? McKinsey ? Aujourd’hui encore, malgré une communication sur un besoin de souveraineté dans le numérique, aucune entreprise européenne n’obtient les faveurs de la Commission dans les marchés publics. Au contraire, depuis vingt ans, la Commission a décidé, par trois fois, d’autoriser le transfert des données des Européens aux États-Unis à l’encontre de la jurisprudence de la Cour de justice (affaire Schrems contre Facebook).
Contrôler, tracer, censurer, noter, sanctionner pour et par qui ? Ce seront aussi des enjeux majeurs pour demain.
S.d.V. Quelle a été la réponse du commissaire européen Thierry Breton ? Vous a-t-il rassurée ?
V. J. En tant que membre de la Commission du marché intérieur, j’ai l’opportunité d’interroger régulièrement son commissaire, qui est Thierry Breton, choisi par Emmanuel Macron en remplacement de Sylvie Goulard. La dernière fois, ma question tournait autour de ce portefeuille numérique européen et la crainte d’une dérive à la chinoise car la Commission souhaite la mise en place rapide de cet outil dans l’Union européenne. Se voulant rassurant, il m’a répondu qu’évidemment, ils ne voulaient surtout pas revenir à du confinement strict, comme on peut le voir, ces derniers jours, à Shanghai, et que ce portefeuille nous protégera donc du confinement et de la quarantaine. Mais - et c’est une intéressante nuance - il a souligné qu’une majorité de citoyens français ou européens ont très bien accepté ce passe vaccinal. À l’entendre, comme ce sera un outil facultatif, il n’y aura aucune difficulté pour que nos compatriotes acceptent ce nouvel outil. Je ne suis donc aucunement rassurée, notamment au regard de la chasse aux non-vaccinés qui va bientôt s’ouvrir.
S.d.V. Revenons à l’actualité immédiate : vous nous apprenez que, dans le contexte de la pandémie de Covid, le passe sanitaire européen vient d’être reconduit jusqu’en juin 2023 : quelles conséquences concrètes pour nos vies ?
V. J. Comme indiqué en préambule, le passe sanitaire est un tremplin afin de nous faire entrer dans ce Portefeuille européen d’identité numérique grâce au Certificat Covid européen qui a été obligatoire et « bien suivi » par tous les États membres.
Il aurait dû s’achever en juin 2022. Or, pandémie il y a ou doses de
rappel il y a, ce Certificat Covid européen va être étendu jusqu’en juin
2023. La communication aux États membres de la Commission européenne du 27 avril est d’ailleurs très claire à ce sujet : « Il nous faut intensifier encore la vaccination et l’administration de doses de rappel », nous dit Ursula von der Leyen, sa présidente non élue, car « nous entrons dans une autre phase de la pandémie ».
Compte tenu des dernières élections en France et de la déclaration d’Emmanuel Macron
sur la vaccination obligatoire, bon élève, il suivra la feuille de
route de Mme von der Leyen. Le passe sanitaire perdurera. Et, tout porte
à le croire, avec une amélioration du produit comme l’intégration du
dossier médical. La suite, nous la connaissons : nos vies seront
rythmées par le rappel des doses, et pour faciliter nos déplacements, la
carte d’embarquement y sera également intégrée, comme la SNCF l’avait
déjà proposé cet hiver. La participation des entreprises privées sera un
développement à suivre.
Au niveau public, d’autres déclinaisons de ce passe sont à l’essai,
comme avec l’exemple de la ville de Bologne, en Italie, avec le « Smart Citizen Wallet »,
qui est une autre dérive de ce système de portefeuille où l’on peut
intégrer de nouvelles règles dites vertueuses ou de bons comportements
citoyens. Une espèce de passe vert où c’est le volet écologique qui
entre en jeu. Rouler au diesel, ne pas prendre les transports publics,
oublier de faire le tri des déchets et payer des amendes pour
dépassement d’horodateur engendreront de mauvais points qui se
traduiront par quoi ? Par un refus de place dans une crèche ? Par une
amende prélevée automatiquement sur le compte ? Tout est permis selon la
couleur politique de la municipalité.
La Chine, avec son crédit social que l’on a souvent moqué, est devenue
un modèle pour certains comme Justin Trudeau, le Premier ministre du
Canada. Espérons que Macron ne suivra pas Justin.
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