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vendredi 11 mars 2022

Hier au nom de la pandémie, aujourd’hui de la guerre en Ukraine : comment nous avons été anesthésiés


 
 
 
 Marie Delarue 10 mars 2022

C’est un tweet qui fait réagir aujourd’hui. Voici ce qu’il dit :

Diesel à 1,40 € = gilets jaunes
Diesel à 2,10 € = Macron à 30 % ?



On ajoutera qu’ils se peut fort bien que le diesel soit, la semaine prochaine, à 2,30 € et Macron à 38 %. Ad libitum

Comme elle paraît loin, cette des gilets jaunes qui fit trembler le jeune pouvoir macronien.

C’était le 17 novembre 2018. Ce jour là, 287.000 personnes (chiffres du ministère de l’Intérieur) descendaient dans la rue, vêtues d’un gilet jaune, pour protester contre la hausse du prix du carburant. Très vite, le mouvement prend de l’ampleur, tout comme les revendications. C’est la France d’en bas, celle des oubliés de la mondialisation heureuse et de la start-up nation qui crie sa désespérance. Le gilet jaune est devenu un étendard sur lequel chacun inscrit ses doléances. De ronds-points en péages d’autoroute, les rangs grossissent des mécontents qui veulent se faire entendre d’un monde qui les ignore et souvent les méprise. De semaine en semaine, samedi après samedi, on voit renaître une fraternité perdue dans notre « nouveau monde », celui d’une modernité où les réseaux sociaux ont remplacé les bistrots et les amis virtuels la poignée de main des copains de comptoir.

Pourquoi le gilet jaune est-il devenu cet objet de ralliement ? Parce qu’il a une valeur de symbole : il est non seulement associé à la route mais aussi, déjà, aux dépenses jugées inutiles mais rendues obligatoires par l’État. Celui qui n’a pas son gilet jaune dans sa voiture est passible d’une amende forfaitaire de 135 €.

Comme l’analysait Benjamin Morel, docteur en science politique, lors du troisième anniversaire, en novembre 2021 : « C’était le mouvement des inaudibles. Un mouvement de contestation avant tout économique et social des classes populaires moyennes inférieures, bien avant d’être un mouvement portant sur la de la représentation. » De fait, « c’était l’émergence de la civile non organisée, avec toute une partie de la population qui ne passait pas par les corps intermédiaires classiques comme les syndicats » (20 Minutes, 17/11/2021).

Puis le mouvement a été noyauté par l’extrême gauche et déconsidéré grâce aux saccages des Black Blocs ; et il faudra bien s’interroger un jour sur le degré de manipulation par l’État de « l’un des plus grands mouvements contestataires de la décennie 2010 ».

Sapé ainsi de l’intérieur, le mouvement des gilets jaunes a été tué par le Covid. La machine à fabriquer de la peur s’est mise en branle comme jamais, anesthésiant toute velléité de réaction. Les sociologues ont bien noté quelques tentatives de résurgence, les opposants au passe-sanitaire tentant d’agréger la contestation, notamment à l’occasion des Convois de la liberté, début février.

On s’est interrogé alors sur le retour des gilets jaunes, car ces gens qui prenaient la route de Bruxelles réclamaient non seulement de « récupérer leur liberté et leurs droits fondamentaux », mais commençaient aussi à réclamer plus de pouvoir d’achat et dénonçaient la hausse du prix des carburants et de l’énergie.

Et puis voilà que surgit opportunément la guerre en Ukraine. Alors qu’on nous lâchait un peu la bride sur le Covid – à un mois des élections, c’était prévisible –, il faut renfiler la muselière, cette fois au nom de la guerre du bien contre le mal. Pour sauver les Ukrainiens, nous devons accepter, avec le sourire, des sacrifices dont l’ampleur, la durée et l’issue sont inconnues de tous.

Tout comme « la guerre contre le Covid » a justifié la suspension de nos droits élémentaires, les sanctions contre Poutine vont justifier l’essence à prix d’or, le rationnement de l’énergie, l’inflation galopante et la réélection d’Emmanuel Macron par acclamation.

Hier au nom de la pandémie et de sa morale sanitaire, aujourd’hui de la guerre en et de la lutte contre le mal, impossible de réagir.

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