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lundi 5 novembre 2018

Le sort injuste d’Asia Bibi vous révolte ?

 
 
 
 
 
La tolérance pour ces pratiques d’un autre âge vous scandalise ? Vous voulez protester ? N’en faites rien…
 
On la croyait à l’abri au Canada.
Elle avait été déclarée non coupable par la Cour suprême de son pays, et sa libération immédiate avait été prononcée.
L’annonce du verdict avait été retardée pour qu’elle puisse partir avant que les fondamentalistes ne la tuent, comme ils l’avaient déjà fait avec d’autres inculpés : un homme tué à bout portant dans le tribunal même à l’énoncé du verdict, un couple et leur fils jetés tous trois dans les flammes, brûlés vifs….
Y a-t-il eu des fuites ?
Les fondamentalistes ont bloqué les routes, pénétré dans les palais du pouvoir, agressé les passants, mettant le pays à feu et à sang trois jours durant.
Et l’armée, sollicitée par l’État, n’a pas bougé.
Alors le gouvernement a reculé et accepté la « révision du procès » par la Cour suprême.
Du jamais-vu.
Mais qu’avait donc fait Asia Bibi ?
Ouvrière agricole, elle ramassait des baies rouges, avait eu soif et avait puisé de l’eau avec son écuelle dans le puits.
« Cette sale chrétienne a souillé l’eau du puits », avait alors crié une femme.
Et la foule s’était instantanément déchaînée sur l’intruse et sa petite fille.
Asia aurait alors dit : « Mahomet lui-même ne voudrait pas cela. »
Un imam présent a illico porté plainte pour blasphème : elle avait osé prononcer le nom du prophète ! Or, l’article 295-C du Code pénal pakistanais dispose : « Quiconque par ses paroles ou ses écrits de façon formelle ou rapportée, par des insinuations directes ou indirectes, défié le nom sacré du prophète Mahomet sera puni par la mort… »
Condamnée en novembre 2010 à la peine capitale par pendaison, Asia avait fait appel, et avait finalement obtenu gain de cause en cassation.
« Je ne vois aucune remarque désobligeante envers le Coran dans le rapport d’enquête », avait observé le juge Saqib Nisar.
On croirait entendre Ponce Pilate déclarant : « Cet homme est innocent. »
Pour Jésus aussi, le motif était le blasphème (« Il s’est dit fils de Dieu ») ; pour lui aussi, la sanction était la mort.
Là aussi, la foule, excitée par les prêtres, avait ordonné au gouverneur Ponce Pilate de prononcer quand même la peine capitale.
Là aussi, le pouvoir avait été lâche.
Pilate avait capitulé devant la foule en s’en lavant les mains.
Parti en Chine pour une visite de quatre jours, le ministre de l’Intérieur pakistanais a cédé, le 2 novembre, au parti islamiste et gardé Asia en prison.
L’image de ces cohortes d’hommes barbus vêtus de blanc hurlant leur colère, le visage déformé par la haine, opposée à la photo de cette petite femme au doux visage a quelque chose de profondément révoltant.
Sans doute ce que ressentit Jésus lorsqu’il vit une malheureuse femme présumée adultère recevant en plein visage les pierres jetées par une assemblée d’hommes en proie à une folle colère…
Le Christ est venu montrer un autre chemin que celui tracé par ces lois inhumaines qui l’ont condamné à une mort atroce par crucifixion il y a 2.000 ans et sont toujours en vigueur dans la charia.
La tolérance pour ces pratiques d’un autre âge vous scandalise ?
Vous voulez protester ?

N’en faites rien : la Cour européenne des droits de l’homme, vouée précisément à la défense de la liberté des citoyens contre la tyrannie, vient d’approuver la condamnation par un tribunal d’une conférencière… ayant osé critiquer le prophète.


Catherine Rouvier
Docteur d'Etat en droit public, avocat, maitre de conférences des Universités

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