Le 16/12/2016
illustration VIDAL Thierry Daniel
Publié le 14/12/2016 à 11h53par SudOuest.fr avec AFP .
Au moins 497 sont mortes dans la rue en 2015. Parmi elle, Georges.
Georges, 57 ans, est mort le 23 novembre sur le banc d’un square parisien, comme des centaines de sans abri chaque année.
Sa silhouette dégingandée, blouson de rocker, mains accrochées à ses béquilles, a laissé la place à de nombreux mots d’hommage.
Sa silhouette dégingandée, blouson de rocker, mains accrochées à ses béquilles, a laissé la place à de nombreux mots d’hommage.
Selon le décompte annuel publié mercredi par le collectif Les morts de la rue, au moins 497 personnes sont décédées sans abri en 2015.
Le deuxième banc à gauche
"Georges dormait sur le deuxième banc à gauche", raconte Corinne, une habitante du IXe arrondissement de Paris, qui avait pris l’habitude de discuter avec lui.
"Lorsque le square était fermé, il grimpait au-dessus de la barrière, alors qu’il était gravement handicapé."
Depuis quelques semaines, elle se démenait pour le quinquagénaire dont la santé précaire l’alarmait. Elle l’aidait à refaire ses papiers d’identité perdus et avait alerté mairie et associations.
Le 22 novembre, l’une d’elles lui répond finalement "on vient demain".
Mais Georges meurt dans la nuit.
"Ce qui est tragique, c’est que ça s’est joué à rien", enrage Corinne.
Né le 16 février 1959 à Compiègne, Georges était le fils d’un militaire belge, le troisième d’une fratrie de cinq.
La famille connaît des difficultés financières puis des drames.
A peine entré dans l’âge adulte, Georges perd ses deux parents et son jeune frère.
Il part à Paris puis en Haute-Savoie, travaille dans la restauration, devient majordome pour un particulier, puis se retrouve au chômage et tombe dans la précarité, il y a une quinzaine d’années.
"C’était quelqu’un d’intelligent, adorable, qui avait de la conversation, mais je pense que notre histoire familiale nous a beaucoup fragilisés", témoigne son frère Patrick, l’aîné de la famille.
"Il était très fier, et très attaché à sa liberté", décrit son frère qui avait perdu sa trace depuis plusieurs années.
Le sachant dans la précarité, il "attendait" autant qu’il "redoutait" d’en apprendre le décès.
Dans le IXe arrondissement, Claude Petry, croisait régulièrement cet homme "grand, très mince, toujours avec son blouson en cuir, une grande mèche sur le côté".
Arrivé il y a quelques mois seulement, il était devenu "une figure très attachante du quartier", selon une autre riveraine.
Après avoir passé une dizaine d’années dans un centre d’hébergement et de réinsertion sociale, où il repassait régulièrement, Georges avait été pris en charge en avril dans une structure destinée aux sans domicile fixe nécessitant des soins infirmiers.
Il y partageait une chambre double.
Il avait quitté ce centre "de lui-même" en juillet, selon la directrice, et avait trouvé refuge dans un square du quartier.
Depuis sa mort, sur les grilles, des voisins ont laissé de pancartes : "N’attendez pas une autre tragédie", "ouvrez les gymnases", "déclenchez dès aujourd’hui le plan grand froid".
Devant un autel improvisé, Jackie regarde les bougies et petits mots laissés en hommage à son ami. "Tous mes copains meurent", dit d’une voix blanche ce sans-abri de 58 ans.
Quelques jours avant, Claude Gazel, une riveraine, croise Georges une dernière fois, "plein d’espoir" :
"Il m’a dit ça y est je vais avoir mes droits. Il allait toucher de l’argent. Il voulait retourner du côté de Compiègne, louer une maison, avoir des poules". "Il ne se plaignait pas. Il n’a pas su nous dire et nous n’avons pas su voir sa détresse"
Et finalement, Georges est mort en laissant sur son banc son blouson en cuir, ses lunettes, une poignée de pièces jaunes et un livre de Jean d’Ormesson : "Mon dernier rêve sera pour vous".
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