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vendredi 13 mars 2015

Toute honte bue


 
 
Le 13/03/2015
 
Il se trouve que dans ce pays, la loi, complaisante, ne punit pas de l’inéligibilité à vie ceux qui, dans l’exercice de leurs fonctions publiques, ont failli à l’honneur ou à la probité.
 
Celui-ci a été surpris à déménager la réserve de vins – des grands crus, cela va de soi – du conseil général qu’il avait présidé.
 Il lui semblait, toute honte bue, que ces bonnes bouteilles seraient mieux au frais dans sa cave que dans celles du département. Cet autre, victime de sa distraction, ne distinguait pas entre son portefeuille et les caisses publiques.
Un troisième, presque sans se cacher, achetait en liquide les voix de ses administrés.
 Ceux-là prélevaient leur petite commission sur les réalisations immobilières de leur commune et dissimulaient à la curiosité du fisc revenus et capital hérité ou mal acquis.
Cet autre, ressuscitant à son profit le droit de cuissage, prenait son pied avec celui des autres et sa main baladeuse remontait le long de la jambe un peu plus haut qu’il n’est décent…
Condamnés encore en sursis, ayant déjà purgé leur peine ou en instance de comparution devant les tribunaux, on ne les voit pas moins en cette période électorale se pavanant sur les marchés ou inondant les boîtes à lettres de tracts illustrés de leurs bobines, débordant de leur propre éloge ou de leurs dernières promesses.
Portant beau, mains sales mais tête haute, ils saluent les commerçants intimidés et embrassent les vieilles dames qui se rappellent, tout émues, qu’ils leur ont adressé à Noël de belles boîtes de chocolats payées de nos deniers.
Ils n’ont rien perdu de leur arrogance et, la conjoncture politique aidant, ils gardent toutes les chances d’être reconduits dans leurs mandats et autres chéquiers.
 Mais comment osent-ils, mais comment peuvent-ils ?
Il se trouve que dans ce pays, la loi, complaisante, ne punit pas de l’inéligibilité à vie ceux qui, dans l’exercice de leurs fonctions publiques, ont failli à l’honneur ou à la probité.
Il se trouve aussi qu’ils bénéficient de l’investiture et du soutien de leur parti.
 Quelles amitiés anciennes, quels services rendus, quels secrets partagés, quelles connivences inavouables, quelles fraternités occultes l’expliquent-ils ?
 Au nom de quoi ou en vertu de quoi le député-maire d’une ville moyenne de la banlieue parisienne peut-il recevoir la visite et se réclamer de l’appui de deux anciens ministres, du président de son groupe parlementaire, de la future présidente de la région, du président en exercice du Sénat, d’un ancien président de la République ?

Mais aussi bien, et pour finir par où l’on aurait pu commencer, comment ont-ils l’effronterie de solliciter de nouveau, sans vergogne, les suffrages des électeurs ?

 Comment peuvent-ils se regarder dans la glace, comment peuvent-ils s’exposer aux lumières, comment osent-ils parler de démocratie, de valeurs républicaines ?

 À leur place, on irait loin des hommes, loin des projecteurs, loin des tribunes, cacher sa honte et son indignité.

Mais ils sont faits de la même matière que M. de Talleyrand dont le visage ne trahissait aucune émotion lorsqu’il recevait des coups de pied au derrière.

Étonnez-vous, après cela, du rejet de la politique et de la montée de l’abstention.

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