Mis à jour le 18.03.2015 à 17:39
Une victime est évacuée du musée Bardo de Tunis, mercredi 18 mars 2015 après une attaque terroriste. AP Photo/Hassene Dridi - Hassene Dridi/AP/SIPA
Propos recueillis par Delphine Bancaud
Un premier bilan qui fait froid dans le dos: 22 morts et 38 blessés.
Ce mercredi, une attaque terroriste a eu lieu au musée du Bardo à Tunis.
Des assaillants, vêtus d'uniformes militaires, ont ouvert le feu sur les touristes alors que ces derniers descendaient de leurs bus puis les ont pourchassés à l'intérieur du musée, avant d'être abattus par la police.
Mathieu Guidère, spécialiste des mouvements djihadistes, livre une première lecture de ce drame.
La menace terroriste planait-elle sur la Tunisie ces dernières semaines?
Oui, la Tunisie est menacée depuis la révolution tunisienne de 2011.
Et lors de son discours d’investiture, le nouveau le président tunisien, Beji Caïd Essebsi, a fixé comme objectif prioritaire de son mandat la sécurisation du pays et la restauration de la confiance. Preuve qu’il avait conscience de la menace.
Si cet attentat n’a pas encore été revendiqué, peut-on émettre des hypothèses sur le mouvement terroriste auquel appartenaient les assaillants?
Ils pouvaient être membres d'un des groupes d’Al Qaïda au Maghreb islamique venus d'Algérie, qui se sont barricadés depuis quatre ans sur le mont Châambi, dans l'ouest de la Tunisie près de la frontière algérienne.
Ces groupes sont responsables de la mort de dizaines de militaires et policiers.
Mais ces terroristes peuvent aussi se réclamer du groupe djihadiste libyen Ansar al-Charia, qui a des sympathisants en Tunisie même.
Depuis la composition du nouveau gouvernement tunisien, beaucoup de ses membres ont fui en Lybie, mais des commandos font régulièrement des incursions dans le sud de la Tunisie pour déstabiliser le pouvoir.
Enfin, il peut s'agir de Tunisiens qui sont partis combattre en Syrie et qui reviennent dans leur patrie.
Ce sont sans doute les groupes les plus dangereux car ils sont des combattants aguerris après quatre ans de guerre.
Mais l’attentat d’aujourd’hui est de même teneur que celui contre Charlie Hebdo en France.
Il ne s’agit pas d’une insurrection islamiste avec des centaines de morts, mais de quelques individus qui tuent un groupe de personnes pour que leur action soit médiatisée et qu'elle sème l’angoisse.
Le choix du Bardo était évidemment symbolique…
Oui, c’est le symbole du pouvoir parce que le musée jouxte le Parlement où les députés préparaient ce mercredi un projet de loi antiterroriste.
C’est le gouvernement qui est visé par cette attaque.
Les terroristes cherchent ainsi à déstabiliser l’équilibre du pays et à entraver la transition démocratique qu’il est en train de réussir.
Il y a aussi la volonté d’atteindre le tourisme.
Car les terroristes savaient qu’en frappant en mars, ils allaient tuer dans l’œuf la saison touristique, alors même que le gouvernement avait mis en œuvre une stratégie pour reconquérir les voyageurs.
L’Etat tunisien est-il paré face à cette menace terroriste?
Le fait que les «anciens» de la sécurité soient de retour aux affaires en Tunisie est plutôt un signe positif sur ce point.
Par ailleurs, la direction politique du pays est assez claire: il n’y a plus d’islamistes au gouvernement.
Enfin, la Tunisie s’est beaucoup armée ces derniers mois.
Donc les conditions politiques et sécuritaires sont réunies pour que le pays puisse affronter la menace terroriste.
Quelles sont les conséquences prévisibles de cet attentat pour le pays?
C’est un coup difficile pour le gouvernement qui venait de se mettre en place.
Mais cet événement va renforcer le soutien de la communauté internationale à son égard, notamment de la part des pays qui se montraient réticents face au retour en politique des anciens du régime Ben Ali.
Les Tunisiens vont aussi faire preuve d’une union sacrée autour de leur gouvernement.
Il est fort à parier aussi que l’Etat tunisien sera encore plus sécuritaire après cet événement.
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