« Aucune limite », a annoncé Emmanuel Macron aux chefs de partis représentés au Parlement, ce jeudi 7 mars.
Soyons précis : aucune limite à quoi ? « Au soutien à l’Ukraine. » Si on se tient stricto sensu au vocabulaire militaire codifié par les règlements et repris dans le lexique des termes utilisés dans la Loi de programmation militaire 2019-2025, on pourrait se rassurer, par rapport à l’éventualité d’un engagement direct de la France en Ukraine. En effet, le soutien n’est-il pas « la combinaison et l’organisation des différentes activités mises en place au profit des forces engagées afin de leur permettre de se déployer, vivre, agir, combattre, se mettre en condition et durer ». Soutenir l’Ukraine, ce n’est donc pas s’engager directement à ses côtés.
Inquiétant...
Est-ce cela qu’Emmanuel Macron a dans la tête ? Est-ce cela qu’il a voulu dire en s’adressant à Bardella, Ciotti, Faure, Roussel, Bompard et Tondelier, pour ne citer que les leaders des oppositions ? On peut se le demander, si l’on écoute les réactions à chaud, au sortir de l’Élysée, des leaders de gauche. Bompard : « Je suis arrivé inquiet et je suis ressorti plus inquiet encore puisque le président de la République, loin de revenir sur les déclarations qui étaient les siennes la semaine dernière, les a confirmées. » Tondelier : « Extrêmement inquiétant de voir un président de la République qui explique, face à quelqu’un qui détient l’arme nucléaire que nous détenons nous-mêmes, qu’il faut montrer que nous sommes sans limite. » Roussel, regrettant que la position de la France ait changé depuis deux ans : « Il n’y a plus de ligne rouge, il n’y a plus de limites. » Bien évidemment, il y a de quoi être inquiet pour l’Ukraine. Et Macron, cartes à l’appui, paraît-il, a fait part de sa propre inquiétude. En effet, le journaliste Régis Le Sommier, dans un entretien avec le général (2S) Vincent Desportes, chez nos confrères de Radio Courtoisie, le 5 mars, soulignait que « si l’Ukraine a marqué quelques points et d’ailleurs, dernièrement encore, en coulant un navire russe en mer Noire, sur le terrain malheureusement, les nouvelles ne sont pas bonnes du tout depuis la prise d’Avdiïvka [ville de l’oblast de Donetsk]. L’Ukraine est à la peine pour rétablir une ligne de défense à l’ouest. » La Russie ne peut et ne doit pas gagner, s’évertue à répéter Emmanuel Macron, mais si l’Ukraine doit gagner, il semble bien, sauf à ce que l’OTAN rentre dans la danse (mais là, on changerait de dimension…), qu’elle ne puisse gagner cette guerre.
La France le peut-elle ?
Sauf, peut-être, à soutenir « sans limite »… Et que ce soutien « sans limite » soit apporté par tous les Occidentaux. Les mots ont un sens. « Sans limite », ça veut dire, en langage d’aujourd’hui, « open bar ». La France le peut-elle ? Une France avec un État surendetté. En plus des douze milliards d’économies annoncées pour cette année, trois mois à peine après le vote du budget sous perfusion de 49.3, c’est maintenant vingt-cinq milliards d’économies qu’il va falloir trouver en 2025. Les caisses sont vides, le bar est vide, mais « open bar » ! C’est en cela que les propos de Macron sont inquiétants. Sauf à ce que cela ne soit que du bluff. Mais la France peut-elle se permettre de bluffer sur une scène internationale où notre pays est passablement discrédité à cause des déclarations intempestives de notre ministre des Affaires étrangères – je veux parler d’Emmanuel Macron…
Diaboliser le RN en en faisant le faux nez de Poutine
Mais on l’aura compris, il est un front qui inquiète tout autant, sinon plus, Emmanuel Macron : c’est celui de la bataille des élections européennes. Éric Ciotti, patron des LR, ne s’y est pas trompé. En sortant de l’Élysée, outre la réaffirmation du soutien de son parti à l’Ukraine et la dénonciation du « caractère irresponsable et dangereux de l’envoi de troupes au sol », le député des Alpes-Maritimes a dit au chef de l’État qu’« il serait inacceptable d’instrumentaliser le conflit ukrainien à moins de 100 jours des élections européennes ». Et c’est bien ce qui risque d’arriver. Diaboliser le RN en en faisant le faux nez de Poutine. On en a eu un avant-goût, la semaine dernière, lorsque Attal a pratiquement qualifié le RN de parti de l’étranger, pour ne pas dire de collabo. Des propos, du reste, que Jordan Bardella a dénoncés auprès d’Emmanuel Macron. Le débat de la semaine prochaine au Parlement sur la question du soutien à l'Ukraine promet...
« Sans limites » ? Une question doit être posée : Emmanuel Macron est-il sans limites ? On peut s’en inquiéter.
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