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mardi 12 mars 2024

Chega : le RN portugais s’impose et bouscule le paysage politique


Pas de champagne chez les élus du Rassemblement national pour la victoire du parti patriote portugais Chega, ce dimanche 10 mars, mais des messages triomphants : « Les Portugais défendent leur identité et leur prospérité et balayent les socialistes corrompus », lance Jordan Bardella sur X ce 11 mars.

 « En deux ans, Chega est passé de 7 % à près de 20 %, incarnant aujourd’hui la force politique d’avenir au Portugal, applaudit Marine Le Pen. Bravo à notre ami André Ventura pour ce beau résultat. Nous vous attendons avec impatience le 9 juin pour bâtir ensemble l’Alliance européenne des nations ».

Une joie qui n’atteint pas Clément Beaune, lequel vomit sa haine sur le même réseau X, ni Manon Aubry de la France insoumise. Pour elle, le scrutin de dimanche ressemble à une démolition party au palais des mythes de la gauche. « Cinquante ans après la Révolution des œillets, c’est un triste jour pour le Portugal qui voit une percée du parti d’extrême droite Chega qui quadruple ses sièges ».

Chega (Assez ou Ça suffit en portugais), le parti d’André Ventura, 41 ans, et de Pedro Pinto, la tête de liste qui a salué « une nuit historique », s’impose en troisième position dans le scrutin avec 19 % des voix, derrière le parti de centre droit Alliance démocratique et derrière le parti socialiste de Pedro Nuno Sanchez, au pouvoir depuis 2015. Une poussée irrésistible.

Personnalité charismatique

Fondé en 2019, voilà donc moins de cinq ans, Chega avait alors obtenu 1,3 % des voix. Deux ans plus tard, en 2021, il termine troisième à l’élection présidentielle avec 11,9 % des suffrages et s’impose parmi les partis de gouvernement. En frôlant la barre des 20 %, Chega devrait tripler ou quadrupler le nombre de ses élus au Parlement : Ventura et Pinto disposent aujourd’hui de douze sièges au sein d’une assemblée qui en compte 230, ils devraient mener entre 40 et 50 élus.

Ancien inspecteur des impôts, diplômé en droit, André Ventura n’est pas né sous les dorures des palais mais dans un milieu de petite bourgeoisie de Lisbonne. Journaliste au sein du Figaro portugais (le Correiro da Manha), le journal le plus lu, cette personnalité charismatique a aussi exercé ses talents comme journaliste sportif avant de s’engager au sein du Parti social-démocrate de centre droit qu'il a quitté pour mener ce raid. Mais ce succès ne mènera pas Chega au pouvoir immédiatement : le parti a trouvé porte close chez les conservateurs qui refusent pour l'instant toute alliance. La composition du futur gouvernement qui dépend d'alliances n'est pas encore connue.

La performance de Chega n’a rien d’une surprise ni au Portugal, ni en France où le RN l’attendait comme un nouveau signe de la montée des partis patriotes en Europe. Et pour cause, les Portugais de Chega sont très proches du parti de Marine Le Pen. « Ils sont comme nous favorables à une Europe des nations, explique le chef de la délégation française RN au Parlement européen Jean-Paul Garraud qui a fait l’an dernier le voyage au Portugal avec Jordan Bardella pour participer au congrès du parti. André Ventura a depuis longtemps pour modèle Marine Le Pen, poursuit Jean-Paul Garraud. Ils sont très proches de nous, y compris à titre personnel. Les cadres et les électeurs de Chega voient ce qui se passe chez nous : ils n’ont pas envie que cela arrive chez eux ».

Pouvoir d'achat, corruption...

La diaspora la plus nombreuse de ce pays de dix millions d’habitants habite en France et le Français est au pays de Magellan la deuxième langue parlée. Les Portugais ont les yeux tournés vers la France. « Ils vivent en France ce que vivent les Français et en parlent lorsqu’ils reviennent dans leur pays », explique Johanna Maurel, conseillère régionale RN et déléguée des Français de l’étranger pour le Portugal et l’Espagne notamment. A ce « modèle français » devenu un anti-modèle tout autour du monde s’ajoutent les résultats d’une gestion socialiste dramatique sur une population aux revenus faibles : le Smic portugais n’atteint pas la barre des 650 euros. Durant sa campagne, Chega a privilégié les thèmes du pouvoir d’achat, de la corruption du PS au pouvoir, de la fiscalité trop lourde, de l’état du système de santé ou de l’immigration.

A trois mois des élections européennes, le scrutin ne peut mieux tomber pour tous les partis patriotes et anti-européens à la manière de Von der Leyen du vieux continent. Reste à franchir le cap pour atteindre le pouvoir effectif, un vrai défi qui se double d’un autre, celui de l’unité de ces partis patriotes émergents ou plus anciens demain à Strasbourg, contre les élus du centre droit et du centre gauche. En attendant, la vague de dégagisme qui touche les européistes de tous les pays d'Europe promet quelques soirées électorales stressantes pour ceux qui ont choisi d’écraser les nations.

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