En une France marchant sur la tête, la nouvelle jacquerie paysanne a débuté avec des panneaux d’une dizaine de milliers de villages dévissés pour être ensuite revissés à l’envers.
À l’origine de cette initiative ? Les Jeunes Agriculteurs (JA) et la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Depuis, la colère monte.
Sourde et profonde et ne demandant qu’à éclater au grand jour, la Confédération paysanne se mêlant désormais de la partie.
D’après les témoignages recueillis par Ouest-France, il s’agit de dénoncer les « incohérences gouvernementales », dont « l’augmentation de la redevance sur l’eau et sur les produits phytosanitaires, la crainte de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur (marché commun d’Amérique du Sud) en cours de négociation, la fin progressive de la défiscalisation du gazole non routier, utilisé pour faire rouler les tracteurs, et la hausse de produits d’importation ne respectant pas les normes des agriculteurs français. »
Bref, tout y est pour que cela ne fonctionne pas ; pour que cela ne fonctionne plus. Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, a donc beau jeu d’affirmer : « On porte la souveraineté alimentaire et tous les jours, on a des boulets aux pieds. »
Mais, pire que les dingueries technocratiques, il y a l’angoisse existentielle qui, chaque jour, étreint un peu plus le cœur de notre paysannerie : ce sentiment d’être rejetée et tenue pour quantité négligeable. Comme si les pouvoirs publics ne pouvaient au moins se montrer polis vis-à-vis de ceux dont le seul crime semble consister à nourrir la population, on ne le rappellera jamais assez. D’où ces autres confessions désenchantées d’agriculteurs bretons, relayées par 20 Minutes : « On fait le plus beau métier du monde, mais je ne pousserai pas mes enfants à le faire. […] Chaque matin, je me réveille en me demandant quel courrier il y aura dans la boîte aux lettres. On doit tout le temps remplir des dossiers et il manque toujours des pièces. Ils sont en train de nous démoraliser. »
Une interrogation en ces termes résumée : « Est-ce qu’on veut encore des paysans en France ? […] C’est à se demander, tellement on nous tient un double langage. On nous parle encore et toujours de souveraineté alimentaire et, dans le même temps, on signe un accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande qui va nous inonder avec sa viande bovine et ovine. […] On nous demande à chaque fois de produire mieux, mais les consommateurs regardent aussi leur porte-monnaie et se ruent souvent sur de la merde étrangère. » Tout est dit.
Et puis cette statistique terrible : un paysan se suicide tous les deux jours, écrasé par les dettes et, souvent, la détresse sentimentale. En effet, quelle femme voudrait épouser de tels gueux, dont le mode de vie (peu d’argent et jamais de vacances) n’a rien pour faire rêver, en cette époque de strass et de paillettes ? La preuve en est qu’on en a même fait une émission de télé-réalité, L’amour est dans le pré. C’est dire le niveau du désastre ; comme si ces gens n’étaient plus que des bêtes de foire. En attendant de devenir des monstres à abattre, car tenus pour pollueurs et empoisonneurs, à en croire la vulgate écologiste ?
Alors, les paysans manifestent, bloquent les routes et prennent les préfectures d’assaut. Sans armes, ni haine, ni violence, notons-le. Pourtant, cette jacquerie pourrait bien un jour prendre un tour moins courtois. Cité par Valeurs actuelles, ce 7 décembre, Hervé Delplanque, maire de Salency (Oise), s’alarme : « Le sentiment d’abandon est là depuis longtemps, mais là, ça s’amplifie. Si les agriculteurs ne sont pas écoutés, j’ai peur qu’ils aillent plus loin et que ça dégénère comme avec les gilets jaunes. »
Et comme toujours, l’État aura la main lourde, prompt qu’il est à se montrer impitoyable vis-à-vis de ceux qui aiment la France et ne demandent rien, tout en se montrant faible face à ceux qui la détestent, exigeant tout sans jamais rien donner en échange. Mais peut-être que nos paysans seront moins résilients, comme on dit aujourd’hui, que les gilets jaunes. À la place du gouvernement, on s’inquiéterait.
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