C’est
à en perdre la tête : à Boston, Christophe Colomb a été décapité, ce
mercredi 10 juin ; triste.
Par une saine émulation, quelques nervis
belges emboîtent le pas des vengeurs américains : Léopold II, qui
toisait d’un regard de bronze les passants d’Auderghem, s’est effondré
sous leurs masses, dans la nuit de jeudi à vendredi.
Il a trouvé refuge
dans un entrepôt.
Les dix Casques bleus dépecés à Kigali, le 7 avril
1994, dans un local de l’ONU, prélude sanglant au plus terrible génocide
africain du XX
e siècle, avaient eu moins de chance.
Devant leur sacrifice, leur martyre, leur gaspillage, celui de tous
leurs frères d’armes de 20 ans qui meurent encore en Afrique pour une
illusion de paix, gloser sur ces décapitations de symboles par des
énergumènes paraît dérisoire. Cependant !
Oui, cependant, avec eux, une autre barbarie est à l’œuvre, même si
ses égorgements, pour l’instant, sont de peinture rouge.
Barbarie de
l’inculte, irrationnelle, brutale ; celle qui s’impose par la loi du
nombre et par l’émotion orchestrée : Christophe Colomb est un salaud, on
l’a dit.
On ? Mais, il est mort en 1506 !
Peu importe… c’est un «
génocidaire » ; d’autres radios des Mille Collines d’Occident le
proclament et le proclameront jusqu’à ce que tous le jurent !
C’est un
salaud, qu’il paye, et Colbert, et Ferry, et les autres avec lui.
Comme une pasionaria de la misère sahélienne, venue planter ses
tentes en Val-d’Oise, une sœur-mère malienne invoque son martyr, crie à
l’injustice et au racisme de ceux qui firent le pays où elle peut
nourrir ses enfants.
Le mot terrible est lancé par la meute qu’elle
incante : « racisme » !
Et il fait mouche. Anathème.
On le jette à la
face des flics.
Mais après tout, sont-ils des hommes, ces flics, blancs,
noirs, marrons ?
Non. Des racistes.
Tous racistes puisqu’ils sont
flics.
Et le ministre veule, complice idéologique de l’émeute, tremble
et balbutie :
« L’émotion » prime le droit.
Et il met genou à
terre (symboliquement), en espérant l’amân des fauves.
Si les flics sont
des hommes, qu’ils le désavouent !
Sinon, qu’ils se couchent et ne
parlent plus.
« L’Histoire ne repasse pas les plats ! »
Depuis toujours, elle
s’inscrit en rouge sur les sentiers de latérite : sang du malheur de
millions de femmes et d’enfants déportés, vendus par le droit de la
force et de l’islam conquérant : au XIII
e siècle, dit le
griot, Tiramakhan Traoré vendait comme esclaves ses adversaires vaincus.
Passons.
Vers 1680, Sékou Ouattara, chef de bande Traoré, prospéra du
commerce du sel, de l’or et… des esclaves. Passons…
Deux statues géantes se dressent au rond-point du stade et face au
camp militaire de Sikasso. Babemba et Tiéba, les frères Traoré.
Deux
souverains éclairés de leur temps ?
Auraient-ils, comme Ferry, organisé
l’instruction obligatoire et gratuite pour leur peuple ?
Auraient-ils,
comme Colbert, relancé une économie en déroute ?
Creusons :
« Des
vieillards racontent que la tactique de Tiéba consistait à détruire un
village sur deux : il rasait le premier, tuait les gens âgés et emmenait
en captivité femmes, enfants et jeunes adultes pour les revendre vers
Sikasso, sur des marchés d’esclaves », écrit l’anthropologue Michèle Dacher, dans
Cent ans au village.
Ces deux Traoré là ont régné par la terreur ethnique entre 1866 et
1898, déportant des villages entiers d’animistes vers les villes
musulmanes du nord.
Faut-il, aussi, détruire leurs statues
d’esclavagistes maliens au nom d’un révisionnisme historique ? Les
maculer de rouge sang pour venger des fantômes ?
Allons, les faits sont brutaux.
Brisons là ! À chacun son Histoire,
avec ses lumières et ses obscurités.
Qu’on nous laisse la nôtre : nous
n’avons pas plus que les autres à en rougir !
Pierre Arette
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