19 juin 2020, 19:24
© JEAN-SEBASTIEN EVRARD Source: AFP Image d'illustration.
A partir des années 1970, à Berlin, la garde d'enfants sans-abri a été confiée – avec la bénédiction des autorités – à des pédophiles.
Un rapport montre l'implication d'universitaires respectés et d'hommes politiques dans le réseau.
Il est des victimes pour lesquelles l'on ne s'indigne pas, ou si peu.
Peut-être parce que l'horreur de ce qui leur est arrivé est trop grande que, par un mécanisme de défense, on préfère ne pas la voir.
Parce que la regarder en face bouleverserait sans l'ombre d'un doute la vision du monde dans lequel nous vivons.
Les victimes du «projet Kentler» sont de celles-là.
A partir des années 1970 en Allemagne, dans la foulée de la révolution sexuelle, le professeur de psychologie Helmut Kentler (1928-2008) a mis en place ce qu'il considérait comme une «expérience».
Il a fait placer des enfants sans-abri de Berlin-Ouest sous la garde de pédophiles, avec pour hypothèse que ces hommes seraient des parents particulièrement aimants.
Et que leur pédophilie in fine aurait des «conséquences positives» sur le développement des enfants. Durant sa carrière, Helmut Kentler, qui occupait un poste important au centre de recherche pédagogique de Berlin, était une personnalité reconnue du monde de la psychologie, faisant part régulièrement de son expertise dans des rapports au Sénat de Berlin.
Il a par ailleurs écrit un ouvrage – devenu un best-seller – sur la «libération sexuelle», dont l'une des thèses défend les rapports sexuels entre adultes et enfants, les présentant comme inoffensifs.
Bénédiction des autorités
Après les témoignages de plusieurs victimes, des chercheurs de l'université de Hildesheim ont mené sur le sujet une vaste étude dont ils viennent de publier les résultats.
Elle a notamment permis d'établir que le programme d'Helmut Kentler a perduré plus de 30 ans durant, avec la bénédiction des autorités berlinoises.
Les services de protection de l'enfance de Berlin aussi bien que le Sénat ont non seulement fermé les yeux sur ces activités, mais les ont même approuvées.
Comble du cynisme, certains des parents d'accueil bénéficiaient d'une aide sociale pour leur activité.
Cette enquête démontre donc qu'il existait un «réseau» entre les établissements d'enseignement, le bureau de la protection de la jeunesse et le Sénat de Berlin, dans lequel la pédophilie était «acceptée, soutenue, défendue», selon le même rapport.
A titre d'exemple, le rapport explique comment un certain Fritz H., dont le casier judiciaire était lourd de cas de maltraitance d'enfants, a pu violer au moins neuf enfants qui lui avaient été confiés dans le cadre de ce programme.
En dépit de signes avant-coureurs particulièrement inquiétants, les responsables de la protection de la jeunesse de Berlin l'ont systématiquement choisi comme parent d'accueil, lui confiant des enfants âgés pour certains de six ou sept ans.
Le profil des parents d'accueil fait par ailleurs froid dans le dos, plusieurs d'entre eux étant des universitaires respectés.
Des responsables de l'Institut Max Planck, de l'Université libre de Berlin et de la célèbre école Odenwald de Hesse, en Allemagne de l'Ouest (qui a été au centre d'un scandale pédophile majeur il y a quelques années), étaient ainsi partie prenante au réseau.
Des hommes politiques sont également cités dans le rapport comme ayant eu «une main» dans l'affaire : trois anciens sénateurs sociaux-démocrates (SPD), Carl-Heinz Evers, Kurt Neubauer, et Kurt Exner.
Ils ne voulaient qu'aucun nom ne soit cité. Et ils ont atteint leur objectif. Ils ont défendu le système
Voilà qui explique sûrement la réticence des autorités, et particulièrement du Sénat berlinois, à faire toute la lumière sur cette affaire dont l'ampleur véritable est à l'heure actuelle inconnue puisqu'on ignore le nombre de victimes.
«Au sous-sol du bâtiment administratif de l'éducation, il y a environ 1 000 dossiers qui n'ont pas pu être traités», a incidemment fait savoir Wolfgang Schröer, membre de l'équipe de recherche à Hildesheim lors de la présentation du rapport.
Les révélations de cette étude ont été qualifiées de «choquantes et horribles» par la sénatrice de Berlin à la jeunesse et à l'enfance, Sandra Scheeres (SPD), qui a assuré que le gouvernement allait entamer des «discussions sur des compensations financières» pour les victimes, même si le délai de prescription est dépassé pour certains de ces crimes.
Elle s'est cependant gardée de faire tout commentaire sur les 1 000 documents évoqués par Wolfgang Schröer, ou encore sur l'implication présumée de membres de son parti politique dans le réseau. Pour Marco et Sven, deux victimes du «programme» qui poursuivent en justice le gouvernement berlinois, les promesses du Sénat viennent trop tard et sont bien trop peu.
Cités par Deutsche Welle, ils notent qu'un homme présumé clé du réseau, l'ancien responsable d'un bureau d'aide à la jeunesse, est toujours en vie.
Pourtant, il n'y a jamais eu d'enquête : «Ils ne voulaient qu'aucun nom ne soit cité. Et ils ont atteint leur objectif. Ils ont défendu le système.»
RT France
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