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jeudi 19 mars 2020

Laissez-passer, s’il vous plaît : pour qui ?

 


Ausweis bitte! : cette locution, reprise pour rire dans le film Papy fait de la résistance, était moins drôle entre 1940 et 1944, lorsque l’occupant contrôlait le chaland qui passe, mettait des étiquettes sur certain(e)s jusqu’aux enfants ; c’était la guerre, la drôle de guerre.

En 2020, une autre guerre s’annonce : des mesures gouvernementales prévoient des contrôles et des sanctions pour ceux qui ne présentent pas l’attestation dérogatoire de déplacement dès mercredi.

Gare au chaland qui passe.
On fera des contrôles, éventuellement on sanctionnera.
L’urgence est là ? Remplir et présenter une attestation ?
Je pensais qu’elle était aux masques, aux gels…
Ausweis, bitte! Avec « s’il vous plaît », tout est possible.
Je suis ulcéré par cette obligation de papier que les honnêtes gens devront remplir avant de sortir et présenter, au risque de payer une amende en cas de défaillance, je m’étonne du peu de réactions de nos concitoyens honnêtes et des politiques censés les représenter, les défendre.
Une fois de plus, escrocs, dealers, délinquants de tous bords, préparant leurs sorties, auront le précieux laissez-passer, alors que le citoyen lambda, oublieux ou refusant de remplir un « Ausweis », qui n’a de valeur que celle du papier, risque d’être importuné.
Une tracasserie administrative de plus.
Avec un tel document, d’une part la présomption d’innocence n’existe plus, d’autre part aucune confiance dans le citoyen infantilisé ; si vous êtes dehors, il faut prouver que vous n’êtes pas coupable.
Les Parisiens et les Marseillais, comme si deux pôles dirigeaient la France, n’avaient qu’à bien se tenir, le week-end passé, les provinciaux suivront bon gré mal gré.

Piètre mission de contrôle supplémentaire aussi pour des forces de police exténuées, pas forcément protégées en masque pour des contrôles de proximité et qu’on devrait concentrer pour les vrais délinquants et toutes les personnes en situation irrégulière en France, parfois très concentrées dans des squats cumulant pauvreté, santé précaire et promiscuité favorable à la propagation du virus.
Eux ne paieront pas d’amende, soit parce qu’on ne rentre plus dans certains fiefs, soit parce qu’ils n’ont pas le sou.
Pour faire simple, des contrôles, oui, éventuellement ; des attestations, non ; des sanctions, oui, laissées à l’appréciation des gendarmes et policiers à qui on devrait savoir faire confiance.
Il y a des heures, des endroits, des circonstances où on ne fait pas les courses pour sa voisine âgée, du sport solitaire ou la promenade de Médor…
Nos forces de l’ordre ne sont pas des enfants non plus.
La pièce a commencé :

– acte premier : n’ayez pas peur de ce virus, continuez à aller au théâtre, etc.,

– acte second : allez voter,

– acte trois : rentrez à la maison et n’en sortez qu’avec un laissez-passer,

– acte quatre : le confinement est prolongé pour cause d’obligation,

– acte cinq : le vainqueur de cette guerre, déclarée trop tard, est… on pleurera les morts, on ne se moquera plus de Roselyne, qui avait su anticiper, et on préparera peut-être le combat contre le prochain adversaire sanitaire.
Sera-t-il celui qu’on pense ?
Sanitaire, économique, terroriste, migratoire ou une somme de tous ces maux connus et à venir qui, faute d’avoir été nommés, combattus avec courage ou pressentis, pourraient un jour se conjuguer ensemble et nous terrasser définitivement tels des chevaux de Troie, plus petits mais plus dangereux, entrés dans la cité, sans « Ausweis », eux, puisqu’il n’y a plus de frontières, de portes à la maison France.

Michel Bickel

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