Dans son sketch sur la publicité, Coluche appelait cela les « campagnes jumelées ».
C’est un peu ce qui va se passer à l’Assemblée nationale, mardi 23 juillet.
Pas de dragées laxatives et de détergent pour toilettes à distribuer en même temps au bon peuple. Non, mais mieux.
À grand renfort de publicité, donc, Greta Thunberg aura droit à la tribune d’honneur de l’Hémicycle à l’occasion des questions d’actualité au gouvernement.
À part quelques grincheux qui resteront à la buvette pour se rafraîchir en ces temps de canicule, ce sera un beau et grand moment d’unité, d’unanimisme.
Ce sera très émouvant. Forcément.
Il conviendra de se mettre debout (pas de prie-Dieu à l’Assemblée) et d’applaudir lorsque le président Richard Ferrand, du haut de son perchoir, signalera avec la pompe qui convient aux instants historiques la présence réelle et effective de l’idole, gentiment assise au balcon et armée de son seul sourire énigmatique.
Greta veut sauver la planète. C’est bien.
Le même jour – ça ne s’invente pas, d’où le rapprochement avec les campagnes publicitaires jumelées de Coluche – est programmé le vote de ratification du CETA, le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada.
Ce traité, outre ses aspects économiques discutés et discutables, notamment pour notre agriculture, va permettre la multiplication des échanges de marchandises entre l’Europe et le Canada.
Or, comment ces marchandises vont-elles être acheminées d’un côté et de l’autre de l’Atlantique ? Pas à traîneaux, tirés par des chiens en transitant l’hiver par l’Alaska et la Sibérie, mais par bateaux, évidemment.
Cela aura pour pour conséquence mécanique d’augmenter les émissions de gaz carbonique.
Certes, l’industrie maritime représente seulement 3 % de l’ensemble des émissions mondiales (selon un article du Monde, publié en novembre 2018), mais quand on voit les anathèmes lancés à tous ceux qui roulent, pas en bateau à mazout, mais en bagnole à diesel, et que ces anathèmes sont souvent lancés par les mêmes qui voteront le CETA, on se dit qu’il serait bien de mettre un peu de cohérence dans le dispositif.
Bien sûr, cette cohérence, on la trouve, par exemple, chez la députée de gauche Delphine Batho, ancien ministre de l’Écologie de Hollande, pour qui le CETA est « un accord climaticide qui porte une catastrophe écologique majeure » et se félicite qu’une gamine comme Greta puise porter son message messianique.
Cohérence, évidemment, de l’ancien député LREM Matthieu Orphelin, à l’initiative de la venue de Greta Thunberg à l’Assemblée et opposé à la signature du traité.
Cohérence, aussi, chez ces députés LR et RN qui refusent et le CETA et la séance d’adoration à Greta.
En revanche, on regardera avec attention le comportement des députés de La République en marche, par exemple Marie Lebec, députée des Yvelines et corapporteur du texte, lorsque aura lieu l’ostension.
Elle, Marie Lebec, croit à « la force de notre marché de 500 millions de consommateurs ». Mitterrand, c’était aux forces de l’esprit qu’il croyait.
Comme quoi les temps changent…
Et, donc, en ces temps de nouvelles croyances, tout devient très compliqué, d’autant que le pape de l’écologie française, Nicolas Hulot, vient de signer une tribune à franceinfo dans laquelle il « exhorte » (c’est le mot employé par franceinfo) les députés à ne pas voter le CETA.
L’ancien ministre de Macron n’évoque pas, dans cette lettre, la question du rejet de CO2 mais bien d’autres aspects comme, par exemple, l’utilisation par le Canada de 46 substances interdites en Europe ou la question des perturbateurs endocriniens.
Il termine sa lettre ainsi : « Faisons enfin preuve de cohérence. »
Effectivement, est-il cohérent d’adorer Greta et de ratifier le CETA dans la même journée ?
Il est vrai que le macronisme est une sorte de religion syncrétique dont le credo tient tout dans la formule du « en même temps ».
Plus perfidement, d’aucuns diront que la religion a toujours eu ses Tartuffe.
Georges Michel
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