Contrairement à ce qui a été hâtivement pronostiqué en ces colonnes : les journalistes, non contents de dire des sottises, en écrivent de surcroît ; c’est donc Benjamin Griveaux, et non Cédric Villani, député de l’Essonne, qui portera les couleurs de la Macronie à Paris.
Il n’empêche que le moins qu’on puisse prétendre est que ce début de campagne s’annonce fracassant.
Ainsi, Benjamin Griveaux, ancien porte-parole du gouvernement, connu pour avoir traité les électeurs de Laurent Wauquiez de « gars qui fument des clopes et qui roulent au diesel » – quelques millions de Français, tout de même –, récidive-t-il avec une pareille délicatesse vis-à-vis de ses compétiteurs, et accessoirement amis, tous plus ou moins qualifiés « d’abrutis ».
Hugues Renson, vice-président de l’Assemblée nationale ? Un « fils de pute ».
Mounir Mahjoubi, ancien secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances et du ministre de l’Action et des Comptes publics, chargé du Numérique ? « Bon… no comment… »
Et Cédric Villani ? À son endroit, Benjamin Griveaux concède malgré tout ceci : « Il est quand même plus intelligent que les autres… »
Sa Seigneurie est décidément trop bonne.
Histoire de faire bonne mesure et de restituer le contexte, des fois que les principaux intéressés aient pu mal prendre ses propos – ce que les gens peuvent être susceptibles, parfois –, Benjamin Griveaux tente de relativiser, avec cette infinie délicatesse devenue chez lui inimitable marque de fabrique : « Paris, c’est pas la cantonale de Vesoul ! Vous croyez quoi, qu’on tricote ? »
Carton plein, Scrabble™ et mot qui compte triple.
C’était à prévoir, les Vésuliens et Vésuliennes, se sont sentis, non sans raison, stigmatisés par la sortie du sémillant jeune homme.
À la mairie de Vesoul : « Ce n’est pas forcément facile, le tricot. Il y a des points compliqués à faire. » Alain Chrétien, maire LR de la ville incriminée : « Avant, on avait Jacques Brel qui parlait de nous. Maintenant, Benjamin Griveaux, quel honneur ! »
Pas faux. Benjamin n’est pas Jacques et Brel n’est pas Griveaux. Loin s’en faut.
Au-delà de ces banals noms d’oiseaux lancés en campagne électorale – ce qui a toujours été peu ou prou la règle du genre, avant qu’une exquise sensibilité de chaisières ne vienne pasteuriser le traditionnel et viril discours politique -, une question se pose : pourquoi cette haine des pauvres, ce mépris de classe, ce dédain de la capitale pour la province, des rats des villes pour ceux des champs ?
À cet égard, Benjamin Griveaux est un assez joli spécimen du genre, tant son parcours demeure sinistrement révélateur.
La voie royale pour commencer : école jésuite, Sciences Po et HEC.
De la première, il semble ne pas avoir manifestement retenu grand-chose.
Des deux autres, il paraît être le produit le plus emblématique.
Ce qui le conduit très logiquement aux cercles rocardiens, avant de rejoindre leurs successeurs strauss-kahnniens.
Ou de l’art de passer de la droite du fric à la gauche de droit divin.
Celle qui sait, celle de « l’avoir » contre « l’être ».
Éric Zemmour, pourtant grand gourou – son côté Skippy ? – d’une hypothétique union des droites qu’il a fini par enterrer, avec l’autre théoricien d’icelle, Patrick Buisson, a manifestement compris tout cela, lorsque résumant le récent scrutin européen à un « conflit de classes ».
Sans aller jusqu’à idéaliser un peuple qui aurait toujours raison, il ne faudrait pas non plus qu’une élite autoproclamée et connue pour s’être globalement trompée en permanence ne la ramène trop bruyamment, toute impudence et honte bues.
Jérôme Durain, sénateur socialiste de Saône-et-Loire, mentor du jeune Griveaux, affirme ainsi, à son propos : « Avec lui, la première impression est toujours très bonne. Mais, en fait, il a un mépris, un cynisme, une arrogance, une morgue… »
À la place du gandin, on se méfierait.
Parce que des gommeux de son acabit, emplis de « morgue », d’autres morgues en sont emplis, de ces ex-futurs espoirs de la politique française, connus pour ne rien comprendre à la politique et tout ignorer de la France.
En attendant, Anne Hidalgo doit en même temps se marrer et se frotter les mains.
On la comprend.
Nicolas Gauthier
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