Une enseignante témoigne en exclusivité sur Boulevard Voltaire.
Sandra de Coster, la vidéo de ce professeur braqué dans un lycée de Créteil, et plus généralement le #PasdeVague, a réveillé en vous de douloureux souvenirs…
Pouvez-vous nous raconter ?
En effet, ma classe de CM1 a été victime des dérives d’un élève de huit ans et demi qui a blessé légèrement huit élèves par des jets de projectiles, a retourné sa table, m’a blessée sur ma main opérée et sur l’autre main (hématome). Je précise que, comme l’enseignante braquée, j’exerce dans le Val-de-Marne (à Choisy-le-Roi).
C’était un jour de grève, et j’étais seule au 2e étage. Malgré mon intervention et celle de deux collègues (venus des autres étages), cet élève restait insaisissable, incontrôlable, ingérable, impassible, déterminé, d’une violence inouïe pour son jeune âge, avec des propos très ciblés et préoccupants.
En pointant le doigt sur chaque élève, il hurlait qu’il allait revenir avec un couteau et prendre du plaisir à tous les tuer un par un en le plantant dans leur foie.
Il a tenté de se défenestrer – il menaçait de le faire depuis plusieurs jours -, encourageant un élève fragile à le suivre.
Il disait vouloir faire la couverture du Parisien et qu’il retrouverait le sourire une fois éparpillé au sol. Il a tenté de frapper sa maman avec sa tête avant de s’enfuir sur la route au milieu des véhicules.
Il a pu être maîtrisé par mon directeur grâce à une clé de bras.
Depuis le début de l’année, j’adressais quotidiennement des mails à mon directeur pour le faire réagir, j’avais convoqué les parents.
De plus – j’exerçais à mi-temps thérapeutique -, tous mes collègues étaient confrontés au harcèlement scolaire quotidien de cet élève sur ses camarades, il les frappait douloureusement et les humiliait.
Ce même enfant m’avait déjà retourné le poignet opéré, avait frappé une collègue et menacé de crever les yeux d’une autre collègue avec son compas.
Comment a réagi votre hiérarchie ?
Le jour même, une fiche d’incident a été rédigée et envoyée à notre inspectrice de circonscription.
Le lendemain, je déposais une main courante.
Cet élève a été provisoirement changé de classe, puis, par la suite, s’est retrouvé isolé dans une classe de CM2 !
Aucune sanction.
Malgré mon insistance, aucun signalement n’a été envisagé par ma hiérarchie.
J’ai donc pris l’initiative de signaler cet enfant à la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP).
Depuis, mise à l’écart par mon directeur sous couvert de notre inspectrice de circonscription qui n’a même pas été récupérer ma lettre recommandée avec accusé de réception l’alertant de nouveau sur le fait de ne pas connaître mon niveau de classe.
J’ai été retirée de la liste de diffusion des mails collectifs, n’ai plus accès à rien, il y a rétention d’informations et de documents administratifs.
J’attends toujours le récépissé de mon signalement, que la CRIP avait remis à ma hiérarchie, censée me le restituer en interne.
CRIP qui refuse d’adresser un duplicata à mon avocat.
En juillet, j’ai été victime d’un dépôt de plainte de ma hiérarchie (classée).
Motif ? Remise en cause de sa hiérarchie et de ses anciens collègues (aréactifs).
Suite à cette crise, nous avions reçu la consigne d’alerter la psychiatrie d’un hôpital parisien, sans le moindre protocole du médecin scolaire, pour venir le récupérer à l’école.
Démarche singulière, tant pour l’élève qui risquait d’être stigmatisé et choqué que pour les autres élèves.
En quoi le SMUR et les pompiers étaient-ils incompétents pour gérer un enfant de huit ans et demi? Aucune réponse.
J’ai reçu récemment un courrier de ma directrice académique me menaçant implicitement d’une commission disciplinaire.
Pourquoi souhaitiez-vous en parler aujourd’hui et qu’espérez-vous du mouvement Pas de Vague ?
Je souhaite aborder cela dans la presse en dernière intention, car le dépôt de plainte par mon avocat pour harcèlement et discrimination n’est toujours pas pris en compte, et ce, malgré l’urgence.
Mon niveau de classe ne m’a toujours pas été communiqué, malgré mes lettres recommandées avec accusé de réception et mes nombreux mails.
Comment reprendre mes fonctions en toute sérénité et sécurité, tant pour les enfants que pour moi-même au vu de l’ampleur de nos responsabilités ?
Je suis sanctionnée informellement sans avoir commis la moindre faute professionnelle.
Quelles sanctions pour une hiérarchie qui n’a pas signalé cet élève en souffrance ?
A-t-elle respecté l’art. 40 du Code de procédure pénale évoquant l’obligation des fonctionnaires de dénoncer les délits : harcèlement moral, scolaire, menaces de mort, etc. ?
Sommes-nous juste tenus de respecter la législation des nouveaux programmes en vigueur ?
J’attends de ma hiérarchie exemplarité, efficacité, réactivé, fermeté, écoute, tolérance zéro en matière de harcèlement tant scolaire que moral !
Une hiérarchie frileuse de signaler à cause des répercussions et/ou des statistiques ?
Que dire de cette fameuse omerta ?
J’ai alerté ma hiérarchie, le médecin de prévention, le médiateur du ministère de l’Éducation nationale, le médecin scolaire, le maire, le syndicat, le médecin de l’académie, mais jamais la moindre réponse !
Les hauts fonctionnaires se sentent-ils protégés, intouchables et impunis pour en arriver à de telles dérives ?
Comment mettre fin à cette banalisation des faits qui ne fait qu’accroître la violence ?
Comment parviendrons-nous à gérer les enfants revenant de Syrie, ceux victimes de douloureux psychotraumatismes ?
Mais, surtout, comment retrouver l’accès à mes droits et à ma dignité si mon dépôt de plainte n’est pas pris en compte ?
Quel est mon devenir, si je ne suis pas entendue ?
Sandra de Coster
Professeur des écoles
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