Bijoutier de Nice – L’insupportable inversion des responsabilités.

par Guy Geoffroy
     

 

Depuis que je me suis ouvert, vers l’âge de 10 ans, aux questions de justice au sein de la société des hommes, j’ai viscéralement souhaité l’abolition de la peine de mort.
 

Car pour moi, il n’y a rien de pire, dans une société qui se prétend moderne, juste et équilibrée, que de faire de la justice le bras armé du sentiment de vengeance qui peut à tout moment envahir chacun d’entre nous lorsqu’un crime immonde vient à être perpétré.

La grandeur d’une société qui s’organise autour du droit, c’est justement de tout faire, et c’est souvent douloureux et toujours difficile, pour que la loi des hommes ne soit pas la pâle transposition de la loi de la jungle, celle du « plus fort » ou de celui qui décrète qu’il l’est.

Et j’étais ému et fier lorsque, à l’invitation du président Chirac, j’ai pu voter au Congrès du Parlement l’inscription dans notre Constitution de l’abolition de la peine de mort.
 

Mais de là à accepter ce que j’entends aujourd’hui à propos du drame de Nice, il y a un gouffre que je ne saurais accepter alors que certains l’ont allègrement franchi.

Car ce n’est quand même pas le bijoutier braqué et qui aurait pu être victime de ses braqueurs qui va devenir l’accusé de ce drame au cours duquel est mort l’un des agresseurs, lequel serait encore de ce monde s’il ne lui était pas venu l’idée qu’il lui était tout à fait loisible de terroriser un commerçant pour disposer de l’argent nécessaire pour….passer son permis de conduire.

Et toutes les bonnes âmes qui s’indignent que l’agressé puisse se retourner contre l’agresseur au point que la véritable victime, le bijoutier, devienne aujourd’hui le coupable mis sur la sellette, sont au mieux des irresponsables, au pire de dangereux personnages.

Et tout le monde devrait plutôt compatir avec ce commerçant qui devra affronter les foudres de la justice pour avoir, comme c’est probable, dépassé le cadre légal de la légitime défense et qui gardera pour toujours des traces indélébiles de ce qui lui est arrivé, y compris d’avoir tué pour se défendre alors qu’il n’avait certainement pas l’intention de le faire.
 

Lui, le matin du drame, n’avait aucune intention belliqueuse à l’égard de quiconque.

 On ne peut pas en dire autant de son agresseur….

Car ce dernier, comme beaucoup de cet acabit, n’était peut-être pas si préoccupé que cela à l’idée qu’un drame survienne du fait que l’agression se déroule au moyen d’armes qui pouvaient largement et facilement ôter la vie au bijoutier.

La mort d’un être humain est toujours un drame, surtout lorsqu’elle concerne un jeune qui aurait pu, s’il avait fait d’autres choix, trouver son chemin et sa place au sein de notre société.

Et elle est irrémédiable.

Mais il faut avoir le courage de dire, et pas besoin pour cela d’être un extrémiste, qu’à chaque fois qu’un individu, quel qu’il soit, quelles que puissent être les justifications de son mal-être et de ses motivations, prend et fait prendre le risque d’un drame qui peut se retourner contre lui, la responsabilité du drame est de son côté et non pas de celui de la victime de l’agression, qui n’a rien demandé, et qui a droit, comme tout un chacun, à la sécurité, à la tranquillité, et à jouir en toute quiétude du fruit de son travail.

Ceux qui auront la prétention de philosopher sur le sujet alors qu’ils ne tiennent que de mauvais « propos de comptoir » seraient bien avisés de réfléchir avant de pontifier sur les responsabilités de la société alors que notre monde crève de l’irresponsabilité qui grandit à vitesse V à l’échelle individuelle.

Et il est vrai que vouloir toujours tout expliquer, ce qui n’est jamais inutile, tout excuser, ce qui peut devenir gênant, et tout cela au nom des « droits de l’homme » va finir par exaspérer à tel point que toute œuvre de justice sereine, équilibrée, humaine, finira par devenir impossible.

 

Faites attention à ce que vous allez faire, Madame Taubira !