Le 1er août, un homme a été tué dans le quartier des Beaudottes. C'est le troisième homicide depuis le début de l'année.
Depuis des années, Sevran, au cœur de la Seine-Saint-Denis, ne fait plus parler d'elle que pour sa longue suite de violences sur fond de trafic de drogue.
Jeudi 1er août, vers 23 heures, les deux passagers d'une voiture attendant au feu sur une artère du quartier des Beaudottes ont été visés par un tireur inconnu. La balle a traversé le cou de l'un et blessé l'autre.
Le mort était de Rougemont, le quartier voisin connu pour sa rivalité avec les Beaudottes. Le blessé, lui, avait été jugé aux assises en 2012, puis acquitté, pour une sordide affaire de séquestration et de meurtre d'un jeune homme à qui une bande voulait reprendre un territoire de deal.
Un règlement de comptes, donc.
Le troisième homicide enregistré depuis le début de l'année. Une vengeance comme le banditisme les aime, à Sevran comme à Marseille.
Quelques jours plus tard, les Beaudottes ne gardent plus trace de la fusillade.
Ce drame a eu lieu dans l'«autre» Sevran, celui du dessous, celui de la drogue.
Laurent et Alain papotent en faisant leur tiercé, cherchent l'ombre.
Ce meurtre, ils n'en ont pas entendu parler, ou ne veulent pas s'étendre. Alain s'engage dans une discussion technique plus qu'émotive sur la lutte contre le trafic de drogue qui gangrène la ville.
Laurent note les efforts réalisés: «Les policiers tournent en permanence…» Certes, réplique Alain, «mais les policiers en uniforme, ils ne vont jamais trouver le gros paquet.
Les caves, il faut un gilet pare-balles pour y aller, et en civil. Pour ce qui se passe dehors, les CRS, ça marche bien, c'est des commandos». Le «gros paquet», ce sont les centaines de kilos de drogue, des sommes astronomiques d'argent sale et les armes qui vont avec…
Les CRS, depuis plusieurs années, font partie du décor de la ville. En juin 2011, après des tirs à proximité d'une maternelle, le maire, Stéphane Gatignon, avait lancé un cri d'alarme très médiatique en réclamant une intervention de l'armée pour éliminer le trafic de stupéfiants dans sa ville.
Il n'a pas eu l'armée, mais des CRS pour, dit-il, «réinvestir l'espace public, le rendre à tout le monde et réduire le plus possible le trafic. Ça a aplani les choses…».
Ces renforts sont restés dix-huit mois, endiguant un temps les trafics.
Après l'élection présidentielle, ils ont quitté les allées entre les barres HLM où fleurit la vente.
Allée Garnier, un parking devient ainsi, à la nuit tombée, un véritable supermarché de la drogue très organisé.
Sous un arbre, un canapé permet aux guetteurs d'attendre sereinement le client et de repérer les intrus. Résultat: libéré des uniformes, le trafic, avec son cortège de règlements de comptes, a repris. «Et les gens ont à nouveau trouvé cela invivable», soupire Stéphane Gatignon.
Car le trafic, ce sont des nuisances quotidiennes pour les habitants.
Robert, un retraité, montre son quartier, celui qu'il habite depuis les années 1970. Il montre les déchets jetés par les fenêtres, les immeubles promis à la démolition, les chariots de supermarché qui parsèment les rues, encombrent les halls d'immeubles.
Il raconte les menaces sur les gens qui osent appeler la police, les voitures désossées, les poubelles brûlées. «Les Beaudottes, c'était bien.
Les logements étaient neufs, il y a des écoles juste en bas, un collège, la gare à côté pour les gens qui travaillent à Paris ou à Roissy…
C'était bien jusque dans les années 1980, quand les fonctionnaires qui habitaient là sont partis.»
Il raconte la violence, les armes, comme ce pistolet trouvé dans un buisson par un enfant qui en a blessé un autre en juin 2010…
Sans oublier les seringues retrouvées dans une cour d'école. Malgré l'indignation, soupire Robert, «on apprend vite à ne pas se mêler des choses bizarres».
Car autour du problème de la drogue, personne ne s'estime à l'abri de représailles.
En avril, des habitants avaient tenté de reprendre eux-mêmes les halls d'immeuble.
Le lendemain, leurs voitures avaient fait les frais des rancœurs des dealers.
Manuel Valls est venu, des CRS aussi.
Malgré cela, en juin, et dans la même semaine, un jeune est mort par balle au cours d'une rixe, des explosifs ont été découverts dans la cité et une explosion a soufflé un étage d'immeuble…
«Aussi bien le nombre de points de vente que le volume de vente ont baissé à Sevran», tempère toutefois Stéphane Gatignon, saluant la présence policière: «Il faut des enquêtes longues, minutieuses pour démanteler les réseaux, mais aussi que l'on voie des policiers dans la rue.»
Une méthode qui ne convainc guère certains fonctionnaires.
Ainsi, Fabrice Parmentier, un policier du secteur affilié au syndicat Unité-SGP FO, voit dans ce travail de «conciergerie» au pied des immeubles une «solution d'urgence mais nécessairement temporaire: on ne peut pas se permettre de surveiller les halls d'immeuble.
Si on surveille un bâtiment allée La Pérouse, le trafic se développe allée Garnier, et inversement.
On en devient ridicule…». L'avenir, selon le maire, s'annonce des plus sombres: «On assiste à une structuration mafieuse du trafic et à l'arrivée de groupes constitués venus de l'Est.» En d'autres termes, de moins en moins de trafiquants, mais des criminels plus organisés, plus violents, plus gourmands aussi.
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/08/07/01016-20130807ARTFIG00437-trafic-de-drogue-sevran-s-enfonce-dans-la-violence.php?m_i=WzZWrheIL7K1kDVXJaWa3jSe0DxG4FYEBRBMlHOgm_kI2MVW_
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