Par Taoufik Ben Brik
Je suis au bord de l'apoplexie. Je n'en reviens pas. Jugez-en par vous même : par les temps qui courent, les gens du nord, nos amis français, allemands, italiens, espagnols, hollandais, suédois... tiennent coûte que coûte à nous vendre une marchandise formatée dans leurs boîtes de renseignements et leurs polices de désinformation : la démocratie musulmane.
Cohn-Bendit débarque et sait mieux que nous
Voilà Daniel Cohen Bendit, la grande gueule de la rive gauche qui s'invite – depuis l'avènement du 14 janvier, la révolution Bouazizi – chez nous sans protocole ni grande pompe, pour prêcher : Il faut que la démocratie musulmane réussisse.
Et gare au bledard qui émet le moindre doute. Vous serez taxé de pauvre gauchiste stupide et obtus si jamais vous lui dites : "Dany, les islamistes sont pire que les fascistes. Ils veulent ériger un régime d'inquisition, anachronique et archaïque. Dany, n'oublie jamais qu'on a commis une révolution, et toute révolution s'impose l'égalité et le progrès. Elle réinvente la liberté, l'espoir, le bonheur. Tes islamistes veulent nous renvoyer à l'âge de pierre de la politique: plus de relais dans la société, plus de partis, plus de syndicat et bien sûr plus de presse. Dany, l'islamisme, c'est un récif d'acier sur lequel, le way of life du Tunisien se fracasse. L'islamisme c'est l'antidote du poison révolutionnaire".
Là, Daniel, le faux monnayeur que j'aime, lâche sa phrase bidon : "C'est plus compliqué que ça. Tu te goures mon grand Toto. Pourquoi vous n'essayez pas de collaborer, de négocier ou chercher un compromis ?"
Je suis abasourdi : "Dany, mon petit, y a des limites. C'est plus compliqué que ça, dis-tu !? Tu débarques de ton pays froid et brumeux, pays de la pensée ivrogne, dans mon pays, pays de la lumière et de la pensée révoltée, et en un temps lumière, le temps d'un embarquement et d'un débarquement, juste une heure ; et déjà tu comprends ce qui m'est compliqué. Tu m'accuses d'être l'analphabète de mon propre pays ! Normal ? Tu veux m'enseigner la Tunisie ? Tu veux me faire gober ce qui est bon et moins bon, ce qu'il faut et ce qu'il ne faut pas pour le pays qui est le mien ? Tu veux faire la politique à ma place chez moi ? Tu veux me vendre ta pacotille ?
Nos routes se séparent
Incroyable, tu deviens un blanchisseur des islamistes ? Hier seulement, tu étais mon ami. Je faisais appel à toi chaque fois que je me brouille avec Ben Ali. Tu m'accompagnais à Tunis et tu leur disais : "Ne touchez pas à mon pote". Tu m'invitais au Parlement européen pour parler de la Tunisie bafouée, humiliée, meurtrie. Tu as préfacé mon livre "Ben Avi la momie". Tu m’as offert un ordinateur portable pour écrire "Le rire de la baleine".
Aujourd'hui, tu t'es vendu à l'ennemi. Nos routes se séparent.
Au temps où les hommes tuaient les hommes pour rien, un homme plus intelligent que moi, Albert Camus, disait aux fascistes de tous poils : "J'aime trop mon pays pour être nationaliste". Au temps, mon temps, le temps des islamistes qui accablent mon pays avec le poids de la terreur, du charlatanisme et des chimères, je dis à Daniel Cohen Bendit : "J'aime trop mon pays pour accepter les islamistes."
Daniel, j’aime mon pays, la Tunisie. J’aime le sel de sa terre. J’aime son vent qui poursuit le vent, ses arbres qui marchent la nuit. J’aime son histoire, son bruit, sa fureur. Je ne défends pas mon droit d’y vivre, je défends le droit de mon pays de vivre. Libre. Comme c’est dur de défendre mon pays.
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