C’est le journal allemand Die Welt qui a révélé l’information, et Le Figaro la reprend dans son édition du 14 mai.
Jusqu’ici, tous ceux qui osaient affirmer que l’Ukraine et la Russie avaient commencé à négocier dès février 2022 et que le conflit était sur le point de se terminer rapidement avaient été qualifiés de complotistes – d’extrême droite, le plus souvent, évidemment.
Dans un document de dix-sept pages, que le magazine allemand s’est procuré et révèle aujourd’hui, on apprend donc (et on est prié de faire semblant d’être surpris) que, jusqu’au 15 avril 2022, un projet de trêve était sur le point d’être conclu par les Russes et les Ukrainiens. Seuls quelques points cruciaux demeuraient dans la main de Poutine et Zelensky. L’article 1 prévoyait une « neutralité permanente » de l’Ukraine, excluant de fait son adhésion à l’OTAN, tandis que Moscou s’engageait de son côté à ne plus attaquer l’Ukraine. L’article 3 laissait la porte ouverte à une adhésion à l’UE, tandis que l’article 5, pour verrouiller cette non-agression mutuelle, laissait la possibilité aux membres du Conseil de sécurité de l’ONU de donner des garanties de sécurité à l’Ukraine, notamment de la défendre en cas d’agression. On est loin de la Russie fourbe et cruelle, dans ce cas précis.
Ces accords étaient donc presque prêts
Négociés à Istanbul, ces accords étaient donc presque prêts. On se demande ce qui a bien pu se passer. Le point bloquant était-il le découpage des frontières, qui devait être effectué par Poutine et Zelensky en personne ? En annexe, la Russie demandait par ailleurs la réduction de l’armée ukrainienne à 85.000 soldats, tandis que l’Ukraine plaidait pour 250.000 soldats, ainsi que des mesures actives de lutte contre « le fascisme et le nazisme » de la part du régime de Kiev. Un membre de l’équipe de négociation de l’époque a indiqué au Welt : « C’était le meilleur accord que nous aurions pu avoir. » Même aujourd’hui, soit plus de deux ans plus tard.
En novembre 2023, un négociateur ukrainien avait déclaré à la télévision que c’était un déplacement du Premier ministre britannique Boris Johnson qui avait tué dans l’œuf les efforts russes et ukrainiens. Johnson se serait rendu à Kiev le 9 avril – peut-être à la demande de son suzerain américain, allez savoir - pour signifier à Zelensky que le Royaume-Uni, membre du Conseil de sécurité des Nations unies, donc en mesure de bloquer le projet d’accord, ne signerait rien et que Zelensky devait continuer le combat, quel qu’en soit le prix.
On a donc failli passer à côté d’une ébauche de guerre mondiale. On a failli arrêter l’hémorragie et faire cesser les pertes par dizaines de milliers. On est passé à deux doigts d’une résolution du conflit après quelques semaines d’une particulière violence. En faisant cela, on se serait aussi privé du sabotage du gazoduc russe – par les Russes eux-mêmes, disait-on à l’époque -, des tirs sur une centrale nucléaire sous occupation russe – par les Russes eux-mêmes, disait-on aussi. On aurait évité les éléments de langage récités par un quarteron de généraux en retraite, au mépris du bon sens.
Qu’on ne se méprenne pas : les Russes ne sont pas des saints. Mais personne ne les vaincra en refusant la paix (et surtout, suprême lâcheté, en forçant les mandataires ukrainiens à lutter pour un Occident grabataire), ni en débitant une impressionnante quantité de mensonges, ni à coups de petites manœuvres. C’est la principale leçon de cette révélation qui n’en est pas une.
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