On appelle ça une prétérition. C’est une figure de style qui consiste à dire qu’on ne va pas dire quelque chose que l’on dit.
Par exemple : commencer sa phrase par « Je ne vous ferai pas l’affront de vous rappeler… », juste avant, précisément, de rappeler l’élément en question. C’est exactement ce que vient de faire notre bon président sur le réseau social X, où il répondait en direct aux questions des internautes sur l’Europe.
Au sujet de l’abaissement de la fonction présidentielle par le biais de cette séance malaisante de questions-réponses en bras de chemise, tout a déjà été dit par Frédéric Sirgant. Fausse spontanéité, arrivée de « guest stars » pour épater les gogos, éléments de langage prémâchés…Tous les sujets ont été abordés, évidemment, en vue des élections européennes, mais, parmi ceux-ci, on retiendra le retour de la guerre en Ukraine sur le tapis - et surtout, les conséquences de cette situation sur notre éventuelle entrée en guerre.
Emmanuel Macron aime bien jouer à la guerre. On se souvient de ses sorties théâtrales sur un sujet pourtant sérieux et même tragique : l’ « ambiguïté stratégique », incluant une réflexion sur la mutualisation du parapluie nucléaire français sont parmi les propos les plus choquants de ce président décidément en-dessous de sa charge. Cette fois, interrogé par un internaute sur les conséquences que la guerre russo-ukrainienne pourraient avoir pour nous, Macron commence tranquille, comme dans ces émissions de radio où on explique l’actualité à des enfants de CM2. Petit florilège : « On doit dire aussi à un moment donné si les Russes vont trop loin, nous tous Européens. On doit être prêts à agir pour les en dissuader ». Notons cet emploi du « On » et ce vocabulaire volontairement simpliste, voir simplet. C’est le genre de phrase qui suit ordinairement une question posée par Louanne, 10 ans, de l’école élémentaire Simone-Veil de je ne sais quel coin abandonné par l’Etat. Sauf que le Président s’adresse à des grandes personnes. Mais le sait-il ?
La réplique la plus inquiétante de ce monologue pénible est la suivante : « J’espère de toutes mes forces qu’on n’aura pas à partir en guerre. Non, la France n’est pas une puissance de guerre, mais une puissance de paix. Mais oui, si on veut avoir la paix, il faut la protéger. » La France, « puissance de paix », ça ne veut rien dire. Protéger la paix, n’en parlons pas, c’est absurde : au mieux, il peut s’agir de redire maladroitement que nous allons dissuader Poutine avec nos bombes atomiques. Au pire, c’est un de ces éléments de langage creux dont il a le secret. Mais alors cette phrase : « J’espère de toutes mes forces qu’on n’aura pas à partir en guerre… » Un monument… S’il l’espère, c’est qu’il craint d’y être obligé. Mais n’est-il pas le président ? N’est-il pas celui qui décide quand on y va ? Et d’ailleurs, son ambiguïté stratégique (la fameuse) n’était-elle pas censée lui laisser un coup d’avance sur les méchants Russes ? On s’y perd… Et d’ailleurs, qui est ce « on » qui part en guerre ? Nous, la France ? Nous, l’Europe ? Tout ça est volontairement infantilisant et nébuleux, un petit peu comme d’habitude en fait.
On ne joue pas à la guerre parce qu’on ne joue pas avec la guerre, qui est toujours quelque chose de sale, toxique, destructeur, physiquement, moralement et spirituellement. Macron ne l’a pas compris parce que la guerre est par excellence le domaine du concret, et que le concret ne l’intéresse pas. Ce qu’il aime, ce sont les « séquences »… pas les conséquences.
Je réponds à vos questions sur l’Europe. pic.twitter.com/fT7AnXed6w
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) May 11, 2024
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