Translate

samedi 9 mars 2024

Guignols en représentation


 

 

 Georges Michel 08 mars 2024


Cérémonie de scellement de la loi constitutionnelle sur l’IVG : rien n’est trop beau…

« Monsieur le Garde des Sceaux, en ma qualité de directeur des affaires civiles et du sceau, j’ai l’honneur de requérir qu’il vous plaise de bien vouloir apposer le grand sceau de la République française sur la loi constitutionnelle du 8 mars 2024 relative à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse. » Et il a plu à Éric-Dupond-Moretti. Alors, en présence du chef de l’État, du Premier ministre, de l’ancien Premier ministre Élisabeth Borne, de la présidente de l’Assemblée nationale et en l’absence notoire et notable de Gérard Larcher, qui ne devait pas avoir piscine mais peut-être chasse au gros gibier en forêt de Rambouillet, le très vague et très lointain successeur des chanceliers de France, qui avaient autrefois la garde des Sceaux de France, s’est affairé sur l’engin en tournant la vis d’un geste auguste afin que le sceau s’imprime sur la cire verte, celle qu’on utilisait sous nos anciens rois pour les actes perpétuels…

Entre sublime et grand-guignol

À cet instant, on sent qu’il se passe quelque chose. On hésite. Franchement. On est entre le sublime et le grand-guignol. L’auteur de ces lignes a fait son choix. C’est le cas de le dire : il fallait marquer le coup. Le coût aussi (mais ça, c’est un détail, pour eux), car l’État, pour l’occasion, avait déployé tout son appareil des grands jours : estrade, dôme translucide pour accueillir tout le gratin de la République et autres figures du féminisme, chœur de l’armée française, Brigitte en présidente consort et j’en passe et des meilleur.e.s. Ils avaient même envoyé un bristol gravé pour l’occasion.

Mais il est vrai que rien n’est trop beau pour un jour aussi historique que celui-là. D’ailleurs, il l’a dit dans son discours, le Président : « Aujourd’hui est un très grand jour pour notre République. Le sceau de la République scelle en ce jour un long combat pour la liberté. » Comme à son habitude, dans ces occasions, il n’a pas lésiné sur la crème chantilly. Pour la cérémonie de scellement de la Constitution de la Ve République (excusez du peu), en octobre 1958, on n’en avait pas fait autant. Michel Debré, garde des Sceaux, était seulement entouré des ministres d’État. René Coty, président de la République, et Charles de Gaulle, dernier président du Conseil de la IVe, étaient restés à l’Élysée et à Matignon. Et l’on avait fait ça, certes sous les caméras des actualités de l’époque, mais tout simplement à l’intérieur de la Chancellerie.

On a déjà dû le dire ici : l’époque était à l’érotisme, la nôtre à la pornographie. Important, de nos jours, la scénographie. Et puis, ça donne du boulot à tout un tas de gens : sono, estrade, chaises à manuter, sécurité, etc.


 

Rien n’est trop beau pour cette journée

Mais, disons-le encore, rien n’est trop beau pour cette journée qui, d’une certaine façon, est le premier jour de l’an I d’une nouvelle République. Si, si. Du reste, qu’ont-ils écrit sur le carton d’invitation ? « Cérémonie de scellement de la Constitution », pas « cérémonie de scellement de la loi constitutionnelle »... Un détail ? Non. Revenons sur la crème chantilly. Rapidement, parce que c’est lourd. « Le sceau de la République scelle en ce jour un long combat pour la liberté […] Une nécessité, une urgence […] La France, le seul pays au monde […] » Tellement lourd qu’on a tout de suite vu ce qu’il y avait sous la crème : « Nous livrerons ce combat en Europe face aux forces réactionnaires. » Les oreilles d'Orbán et Meloni sifflent… Et donc, nous allons demander que ce droit soit inscrit dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne « où plus rien n’est acquis ». Et comme ce pays et l’Europe sont bien trop petits pour nous, nous allons poursuivre le combat au niveau mondial. La galaxie, ensuite ? On y songe. Sans limites, disions-nous.

Pendant que nous y sommes, changeons les paroles de La Marseillaise

La cérémonie s’achève par une Marseillaise : chœur de l’armée française et… Catherine Ringer, des Rita Mitsouko. Un peu de kitch ne nuit pas à l’affaire. Surprise, la chanteuse change les paroles de l’hymne national. Au lieu de « Aux armes citoyens », « Aux armes citoyens, citoyennes », Journée de la femme oblige. À la place de « Marchons, qu’un sang impur abreuve nos sillons », « Marchons et chantons cette loi pure dans la Constitution ». Tant qu'à faire. Avec la bénédiction du Président ? On ne sait, mais ça passe crème. Pour couronner le tout, ce pauvre Macron qui se prend un vent de la « cantatrice » lorsqu’il veut, tactile qu’il est, lui mettre la main sur l’épaule !


 

Du sublime au grotesque, il n’y a qu’un pas, disions-nous. Le 14 juillet 1790, fête de la Fédération sur le Champ-de-Mars à Paris. Une messe est célébrée pour l’occasion. La France espérait entrer dans une période de concorde... Comme ce 8 mars 2024. Macron a d'ailleurs parlé de « concorde », dans son discours. Le 14 juillet 1790, donc, c'est Talleyrand, encore évêque d’Autun, qui, à la demande du roi, pontifie. « Par pitié, ne me faites pas rire ! », dit-il à Lafayette, qui paradait sur l’estrade...

1 commentaire:

Ici, les commentaires sont libres.
Libres ne veut pas dire insultants, injurieux, diffamatoires.
À chacun de s’appliquer cette règle qui fera la richesse et l’intérêt de nos débats.
Les commentaires injurieux seront supprimés par le modérateur.
Merci d’avance.