Arnaud Florac se réjouissait que, face aux malheurs des temps - en l'occurrence, les racailles islamisées et la relative apathie des Français -, la Corse, elle, au moins, bougeait encore.
On pourrait en dire autant de la révolte des agriculteurs français : sans doute piqués au vif par le combat de leurs homologues allemands, qu'ils s'imaginaient disciplinés et incapables d'une jacquerie gauloise, ils ont retrouvé de la vigueur, sorti les tracteurs et rejoint les péages.
Leur réveil est émouvant car, s'il est une profession qui joue sa survie, c'est bien la leur, et au sens propre : ultraminoritaires sociologiquement, ils subissent pourtant un suicide tous les deux jours. Comme les policiers, dont la révolte existentielle de cet été est toujours latente. La déliquescence de notre société est résumée dans la condition tragique de nos agriculteurs et de nos policiers, abandonnés de tous. Honte à nos gouvernants qui s'en accommodent tranquillement !
Ces mêmes gouvernants ne pourront pas dire qu'ils n'ont pas été prévenus : cela fait des mois que, bien gentiment, nos agriculteurs ont retourné les panneaux d'entrée de nos villes et villages. Et puis cette semaine, à la suite des manifestations en Allemagne, le feu a pris en Occitanie. Comme en octobre, mardi, les agriculteurs ont bloqué Toulouse. Tout cela était annoncé. Mais voilà, le mouvement ne s'est pas arrêté là : toute la semaine, les rumeurs ont circulé sur un nouveau blocage de la ville rose. Et ce vendredi, les tracteurs se sont à nouveau positionnés sur plusieurs accès. La Dépêche a même ouvert un fil d'actu en direct pour suivre le mouvement : « La colère des agriculteurs se poursuit et s'intensifie. Ils restent mobilisés sur l'A64 dans le Comminges toujours bloqué et se sont également installés aux accès d'autoroute à Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne) et Castelnaudary (Aude). Sur l'A20 au niveau de Montauban, d'importants bouchons se forment. Les agriculteurs ont également pris place sur la RN124 à L'Isle-Jourdain. » Dans la soirée, on apprenait aussi qu'ils bloquaient l'accès à Luchon et à l'Espagne. Les images de Nicolas Vidal montrent bien qu'il s'agit d'une « révolte massive ».
Plusieurs autoroutes bloquées ce soirautour de #Toulouse par les #agriculteurs… la colère prend des airs de révolte massive…. pic.twitter.com/w7sahosFov
— Nicolas Vidal (@nicolasputsch) January 19, 2024
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D'où vient ce sursaut inattendu d'une profession prise en étau entre Union européenne, écologistes, gouvernement et syndicats ? Visiblement de l'intervention, mardi, place du Capitole, d'un éleveur, Jérôme Bayle, fils d'un agriculteur qui a mis fin à ses jours en 2015 à la suite d’une épidémie qui a décimé son troupeau. C'est lui qui a proposé de bloquer les autoroutes pour se faire entendre. Un leader né hors des sentiers syndicaux, un mot d'ordre, et il n'en fallait pas plus pour qu'un mouvement du type gilets jaunes voie le jour. La détermination de ce grand gaillard impressionne : « J’ai dit aux renseignements territoriaux: "Déterminé comme je suis, seule une balle dans la tête m’empêchera de rentrer sur l’autoroute en tracteur." »
La révolte d'Occitanie a fait tache d'huile en Limousin où, vendredi, les agriculteurs ont mené une action dans le centre-ville de Limoges devant les locaux de l'ASP, l'Agence de services et de paiement, une administration qui a son siège national à Limoges et qui est chargée, entre autres, de payer à tous les agriculteurs français les primes dont ils sont bénéficiaires au titre de la PAC, la politique agricole commune. Toujours en Haute-Vienne, la totalité des radars ont été mis hors service.
Devant cette jacquerie qui semble échapper au contrôle des syndicats, on apprenait, vendredi, qu'Emmanuel Macron avait demandé au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin de donner instruction aux préfets d’aller, dès ce week-end, à la rencontre des agriculteurs et de leurs organisations représentatives. La crainte d'un mouvement type gilets jaunes est bien présente au sommet de l'État. Et l'on voit bien qu'Emmanuel Macron se retrouve en première ligne, avec un Premier ministre dont l'expérience du monde agricole est celle que l'on peut imaginer. À quelques jours de la nomination du nouveau chef de gouvernement, dont l'état de grâce est déjà plombé par la semaine folle d'Amélie Oudéa-Castéra, l'exécutif redoute un mouvement d'ampleur comme en Allemagne, voire un blocage du pays. Les agriculteurs ont donné rendez-vous jeudi prochain pour des actions d'envergure. Vendredi soir, les échos des réunions des agriculteurs mobilisés faisaient état d'un désir d'inscrire le mouvement dans la durée.
Cette fois, notre Président ne pourra plus les traiter de Gaulois réfractaires, puisqu'ils suivent poliment nos amis allemands, nos modèles.
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