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mardi 9 mai 2023

[Point de vue] La France dans le monde : soyons lucides ! (2/2)


 
 

 

 Général (2s) Roland Dubois 8 mai 2023

Le 10 mai 1940, nous avons donc cessé d’être une grande puissance

Dès ce moment, nous étions amoindris, parfois oubliés ; nous apparaissions en marge. Nous étions absents à la conférence de Yalta qui décida du futur partage des zones d’influence en Europe. Lors des signatures des deux actes de reddition allemands (Reims et Berlin), notre représentant ne fut accepté qu’avec réticence. À l’issue du conflit, nous n’avons eu une zone d’occupation en Allemagne que parce que Anglais et Américains ont bien voulu la tailler sur les leurs, les Soviétiques ayant refusé une attribution franche. Ce strapontin chichement accordé à la France parmi les vainqueurs a aussi failli lui coûter son siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU.

Que nous reste-t-il aujourd’hui ? Peu qui nous mette sur un pied d’égalité avec les puissants de ce monde, il faut l’admettre. Et eux grandissent quand nous déclinons, dans tous les domaines. Nous continuons à imaginer qu’il y a un message de la France à porter au monde et que le monde l’attend, qu’il a les yeux fixés sur nous. Nous sommes la seule nation européenne à regarder le monde comme si nous pouvions encore influencer sa marche.

Nous sommes devenus une puissance de second rang, régionale par la taille et la puissance. La seule dimension planétaire que nous conservons réside dans notre domaine maritime de plus de 10 millions de km², le second après celui des États-Unis. Mais nous le négligeons. L’outil principal de sa protection - la marine - est squelettique et, pour elle comme pour les autres armées, ce n’est pas la future loi de programmation militaire 2024-2030, largement insuffisante, qui pourra mettre notre marine à la hauteur des enjeux. La possession de l’arme nucléaire est certes aussi un atout, mais bien insuffisant : elle ne nous protège du pire que comme la ligne Maginot de jadis qui fut contournée.

Comment peut-on avoir des prétentions alors que l’élan vital même de notre peuple est perdu, que nous nous dissolvons dans l’universalisme woke, que l’âme française disparaît au fur et à mesure que s’installe une civilisation nouvelle à laquelle nous cédons sans combattre ?

Comment une nation qui a osé mettre le « principe de précaution » dans sa Constitution, et dont les directeurs de pensée écoutés sont à la Cour européenne des droits de l’homme, peut-elle raisonnablement s’attendre à lui voir reconnaître une place privilégiée dans le monde ? Au travers de nos chefs et de nos « élites », nous nous vilipendons nous-mêmes, nous ne faisons plus envie qu’à ceux qui cherchent des ressources octroyées sans contrepartie et nous ne sommes plus craints de personne.

On se console en pensant que nous sommes devenus une « puissance d’équilibre ». C’est l’argument de ceux qui, constatant notre impuissance à peser véritablement sur les affaires du monde, voyant le peu de cas que font nos interlocuteurs de nos diplomates, traduisent notre indécision impuissante en un souci raisonnable du juste équilibre. Ils oublient seulement que dans cette expression, le mot « puissance » est le plus important. Or, nous sommes faibles. Nos diplomates ont face à eux des interlocuteurs qui pensent « cause toujours », car seuls les grands costauds sont écoutés et nous n'en faisons plus partie.

Pour reconstruire notre avenir, il faut partir du constat lucide de ce que nous sommes devenus et se remettre debout. J’emprunterai ma conclusion à André Frossard qui écrivait en 1992 dans Excusez-moi d’être français : « Un pays ne meurt pas d'une culbute militaire, ou alors la France aurait cessé de vivre depuis longtemps. Un pays ne meurt pas d'une faillite financière, d'une déconfiture matérielle, d’une révolution ou d'une guerre civile. Rien de tout cela n'atteint le cœur d'une nation. Nous avons fait l'expérience de tous les genres de désastres que le destin peut offrir aux pauvres humains, et nous savons qu'aucun d’eux n'est irrémédiable. On met un pays en danger de mort quand on tente de le faire agir contre son honneur, contre sa foi, contre la conscience que Dieu, les siècles et la raison lui ont formée. »

C'est exactement ce que nous sommes en train de faire.

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