Contrairement à la France, où Mme Borne, notre actuel Premier ministre, n’a été précédée que par Édith Cresson, laquelle n’a pas fait long feu à ce poste (onze mois), la Grande-Bretagne a une vraie tradition de femmes politiques de premier plan.
Sans parler des reines, où brillent en particulier les deux Élisabeth, ainsi que Victoria, le Royaume-Uni a connu durant le dernier demi-siècle trois femmes Premier ministre.
La première, nous le savons, est Margaret Thatcher. Celle-ci, qu’on l’aime ou pas, a manifesté qu’elle était un redoutable animal politique, qui s’est maintenu à son poste durant plus de onze ans, un record qui n’avait été battu précédemment que par Robert Cecil… au début du XXe siècle !
La deuxième est Theresa May, Premier ministre de 2016 à 2019, qui a géré sans gloire ni brio le processus (plutôt complexe, il faut le reconnaître) du Brexit. Toutefois, elle ne semble pas avoir été beaucoup plus incompétente que son successeur immédiat Boris Johnson, lequel a été Premier ministre à peu près aussi longtemps qu’elle (de 2019 à 2022) et qui est tombé notamment pour avoir accueilli dans sa résidence officielle des fêtes bien arrosées en plein milieu de « confinements » rigoureux… décrétés par son propre gouvernement !
Liz Truss, pour sa part, est devenue Premier ministre le 6 septembre 2022 et a été adoubée comme telle par la reine Élisabeth II (ce fut le dernier acte politique de celle-ci avant sa mort). Elle succédait donc à Boris Johnson, renversé en raison de ses frasques.
Soulignons que Mme Truss ayant été précédée par d’autres femmes dans ce poste de Premier ministre, on ne peut prétexter que ce serait en tant que première femme pourvue d’une telle charge qu’elle aurait été « flinguée » par le « patriarcat dominant » (ce qu’on a dit pour Édith Cresson, qui n’a pourtant pas eu besoin du « patriarcat » pour montrer les limites de sa compétence). Ce qui lui est arrivé relève donc directement de sa responsabilité personnelle.
Or, Liz Truss a fait montre, en quelques jours, d’une redoutable incompétence. D’abord, elle a manifesté ce qu’on pourrait appeler une « incompétence interne », dont elle est coupable au premier chef. Elle a, en effet, trompeté une série de décisions, notamment économiques, qui n’étaient manifestement pas les bonnes et qui ont gravement fait tanguer l’économie britannique au moment où celle-ci aurait eu besoin d’être confortée. Mais Mme Truss a ajouté à cela l’incompétence « externe » (dont elle est moins coupable, évidemment), à savoir le manque de chance. Or, un chef, quel qu’il soit, doit bénéficier d’un minimum de chance pour réussir dans sa mission. Ainsi, ses erreurs personnelles directement imputables, qui auraient sans doute pu passer dans un autre contexte, se sont cumulées avec des événements dont Mme Truss n’avait pas la maîtrise, et le tout lui a explosé à la figure.
Cette mauvaise séquence a fini, comme elle devait finir, par la démission de Liz Truss six semaines (quarante-quatre jours) après avoir été nommée Premier ministre : un record de brièveté.
Et c’est là que nous retrouvons notre propos. Grâce à son incompétence particulièrement remarquable, Liz Truss, et à travers elle la Grande-Bretagne, vient paradoxalement de donner une victoire éclatante au féminisme. En effet, la troisième Premier ministre du Royaume-Uni a réalisé à la perfection le scénario féministe prédit un jour par Françoise Giroud, fondatrice et directrice de L’Express, ministre de la Condition féminine, commandeur de la Légion d’honneur et autres babioles du même acabit, qui déclarait dans un entretien donné au journal Le Monde, le 11 mars 1983 : « La femme sera vraiment l’égale de l'homme le jour où, à un poste important, on désignera une femme incompétente. »
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