Chaque jour apporte décidément son lot de bonnes nouvelles en ce joli mois de novembre.
Connaissez-vous, par exemple, la chanteuse Yseult ?
Cette jeune chanteuse a remporté une Victoire de la musique en 2021. À cause de ce qu'elle chante ou de ce qu'elle est ? L'histoire ne le dit pas. On lui doit la chanson « Corps » qui parle, paraît-il, d'acceptation de soi, mais dont les paroles font surtout référence à la folie, aux « bruits dans la tête » et à la perte de la raison. Bref, Yseult, sans doute déçue par la France malgré sa notoriété, s'est exilée en Belgique pour aller vivre dans un pays qui « assume son passé colonial ». Elle a médiatisé cet exil en s'interrogeant, par la même occasion, sur ce qu'elle devait à la France : « Mais on doit quoi, à la France ? J'ai l'impression que l'on ne voit pas ce que l'on nous a pris ou ce que l'on a pris à nos parents », déclarait-elle ainsi, en 2021.
C'est exact : moi-même, je ne vois pas ce que la France lui a pris, ni ce qu'elle a pris à ses parents, tous deux d'origine congolaise et installés en France. Toujours est-il que si Yseult aime le pays où elle est née et dont elle a la nationalité, il faut avouer qu'elle cache plutôt bien son jeu. Bon, vous me direz, pas de quoi en faire un plat. La Belgique, c'est la porte à côté. Mais là, coup de théâtre, ce 19 novembre : Emmanuel Macron a rencontré la chanteuse, qu'il a désignée comme... marraine de la francophonie pour l'année 2024 ! Une série de photos, postées sur le compte Twitter du chef de l'État, rendent compte de cette belle initiative. On peut notamment voir un selfie sur lequel on voit la chanteuse faire la moue, comme une influenceuse, avec la bouche en cœur, juste à côté du Président.
Alors là, il faut m'expliquer. Emmanuel Macron ne peut pas ne pas mesurer la portée symbolique de cette nomination. Il ne peut pas avoir simplement voulu nommer une chanteuse noire obèse (et qui l'assume) pour représenter la France. Cela, c'est un coup de com', il a l'habitude, mais ce n'est pas cela, me semble-t-il, qu'il a derrière la tête. Le visage de la francophonie, c'est aussi, de la part de la France, le visage d'une forme de patriotisme. « En France, disait Yseult au journal britannique The Guardian lorsqu'elle s'est installée à l'étranger, je me suis sentie blâmée pour qui j'étais. » On peut considérer que ce blâme est tout relatif. Était-ce vraiment malin de désigner une femme qui, de son propre aveu, se sentait mal en France comme représentante de la langue de ce pays ?
Rasta Rocket souhaite la bienvenue au nouvel Ambassadeur de la Francophonie. Son sens de la diplomatie et de la mesure est un gage de sérieux pour ce qui reste de la "francophonie". pic.twitter.com/XiBy9qqzZy
— rasta rocket (@rastarocket16) November 21, 2022
Je ne le crois pas, mais la pensée complexe du chef de l'État a peut-être imaginé des choses que je n'ai pas perçues.
On sait que, pour le président de la République, l'épicentre de la francophonie est désormais le fleuve Congo et non la Seine. Ça tombe bien : les parents d'Yseult viennent justement du Congo. La langue française, pour Macron, est donc prioritairement la langue de l'Afrique. La voilà, l'arrière-pensée : il ne s'agit plus de faire du français une langue qui, venue de France, rayonnerait sur les pays qui l'emploient. Il ne s'agit pas non plus de faire aimer la France en faisant aimer le français. Ce qu'il faut maintenant, semble dire le président de la République, c'est donner le français à ses anciennes colonies et le faire représenter par une chanteuse qui préfère vivre ailleurs qu'en France. Aussi simple que ça.
J'ajoute à cette débandade totale une réflexion qui est peut-être moins objective, quoique. Les textes d'Yseult sont d'une consternante pauvreté, écrits sans souci d'harmonie, de beauté, de métrique ou de pouvoir d'évocation. Je vous suggère d'aller le constater par vous-même. Pourtant, c'est désormais le visage (et la voix !) qu'aura la francophonie tout entière lorsqu'elle se réunira à Villers-Cotterêts en 2024. Il n'y a plus qu'à remettre à cette nouvelle icône française un déguisement de phryge, ces immondes mascottes informes des Jeux olympiques de Paris, et la boucle sera bouclée. On a hâte de voir cela.
C'est conforme aux objectifs de ce pseudo président, pseudo banquier, pseudo intellectuel, pseudo français (et avec un f minuscule, comme lui).
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