8 Mars 2020
Coup de tonnerre dans le monde de l'or noir !
Tout a commencé vendredi, lorsque l'entente qui régnait depuis trois ans entre l'Opep et la Russie a volé en éclats, Moscou s'opposant à une réduction
de la production de pétrole pour enrayer la baisse des cours due au
coronavirus.
L'Opep+ n'est plus et les délégués pétromonarchiques
présents à la réunion en étaient abasourdis tandis que le cours du baril dégringolait de 10%.
N'assiste-t-on qu'à une énième guéguerre de prix et de quotas ?
Rien n'est moins sûr...
Selon un bon connaisseur,
Moscou a décidé de dire "Stop" et de lancer une contre-attaque générale
contre l'empire pour toutes les avanies subies récemment (blocage du Nord Stream II, sanctions, Syrie).
En le punissant là où ça fait mal : le secteur financier et la dette.
Le schiste US vit au-dessus de ses moyens depuis des années et avait déjà eu très chaud au milieu de la dernière décennie.
Dans un billet intitulé L'ours, l'aigle et le chameau, nous en décryptions les tenants et les aboutissants :
Ce n'est pas une
fable de La Fontaine ni un western de Sergio Leone, mais ça y ressemble
tant le jeu géopolitique entre les trois grands de l'or noir - Russie,
Etats-Unis et Arabie Saoudite - comporte son lot de ruses, de grandes et
petites manoeuvres et de coups de théâtre...
Acte I : en septembre 2014, le chameau et l'aigle, sans doute nostalgiques de leur tango afghan,
semblent manigancer la chute du prix du baril.
Le but : punir l'ours
pour son soutien à Bachar (et accessoirement aux rebelles du Donbass).
Le chameau ouvre les vannes, quelques petits aiglons poussent à la roue à
Wall Street et le pétrole passe en quelques semaines de 110$ à 50$.
L'ours, victime
dans le même temps des sanctions occidentales, est un temps en
difficulté mais bâille.
La baisse du cours de l'or noir est plus que compensée
par la baisse du rouble et Moscou engrange des recettes record dans sa
monnaie.
L'aigle l'a mauvaise et fourbit ses griffes pour un nouveau
plan quand...
Acte II : le chameau tourne sa bosse à 180°.
Où l'on apprend que Riyad voulait autant sinon plus détruire l'industrie américaine
du schiste que s'en prendre à la Russie.
Les coûts de production dans
le schiste étant bien plus élevés que dans le pétrole conventionnel, la
chute des cours met les producteurs US au supplice.
L'aigle a beau
piailler devant cette traitrise, les faits sont là : les investissements
s'écroulent, la production commence à piquer du nez, et le schiste américain est dans une impasse.
Pire ! tout au long du printemps 2015, le chameau se rapproche de l'ours et lui fait des oeillades appuyées
: invitation à rejoindre l'OPEP, entente pour fixer le cours de l'or
noir...
Si Moscou lâche Bachar, les Seoud wahhabites sont prêts à
devenir danseuses orientales.
De rage, l'aigle en avale ses plumes qu'il
n'a déjà plus très nombreuses devant la perspective de la fin du pétrodollar.
Acte III
: le chameau est chamélisé.
La danse du ventre saoudienne laisse l'ours
de marbre, qui envoie ses Sukhois dans le ciel syrien bombarder les
terroristes modérés qaédistes et daéchiques, chameaux à plume (ou aigles
à bosse) nés de l'étrange union entre Occident et Golfe.
L'automne est le
temps des récoltes et les cheikhs grassouillets constatent avec horreur
le fruit de leurs semailles.
La dégringolade du pétrole rattrape son
promoteur qui voit ses recettes fondre comme neige au soleil du désert,
au point d'inquiéter sérieusement le FMI !
Riyad est obligé de couper clair dans les dépenses
(ce qui tombe mal au moment où les Seoud sont engagés dans les
bourbiers yéménite et syrien) et, pour la première fois depuis bien
longtemps, pousse l'OPEP à réduire enfin sa production.
Si le schiste américain a été sauvé à l'époque, c'est grâce aux énormes prêts
des banques et aux obligations spéculatives lancées sur les marchés
financiers.
Selon plusieurs observateurs, dont Tom Luongo cité plus
haut, le secteur ne résisterait pas à une seconde dégringolade des cours
et c'est justement ce que Poutine aurait en tête.
Le président d'un
réputé think tank de Moscou le dit sans ambages :
Le
Kremlin a décidé de sacrifier l'Opec+ pour stopper le schiste américain
et punir les Etats-Unis pour leurs manigances sur le Nord Stream II.
L'ours a bien préparé son coup et planifie peut-être la chose longtemps (ah, ces réserves de devises et cet or accumulés
ces dernières années...)
Le coût d'extraction est l'un des plus faibles
du monde (environ 20$ par baril) et le budget russe est prêt à endurer
plus qu'aucun autre pays producteur une tempête pétrolière.
Dans le viseur, le pétrole américain
bien sûr, mais peut-être beaucoup plus...
Il est par définition
difficile de prévoir la réaction des marchés mais, au vu de
l'imbrication des banques dans ce secteur, il n'est pas impossible que
nous assistions à une monumentale crise financière affaiblissant
durablement l'empire.
Cerise sur le gâteau, ce krach
interviendrait en pleine année d'élection aux Etats-Unis et le Donald,
qui a dû beaucoup décevoir le Kremlin par son incapacité à résister au Deep State, n'y survivrait pas...
Les dommages collatéraux seront eux
aussi légion.
Alliés de Moscou (Iran, Venezuela) et rivaux seront
durement touchés.
L'Arabie saoudite, où les revenus pétroliers servent à
alimenter des programmes sociaux et princiers pléthoriques, risque
notamment de sentir la lame de l'épée tout prêt de sa nuque.
Mais, coup de théâtre supplémentaire dans cette affaire qui n'en manque pourtant pas, Riyad a crânement décidé de doubler la mise.
Ruminant leur gambit perdu
de 2014, les Saoudiens ont résolu d'ouvrir les vannes eux aussi,
faisant chuter encore plus vertigineusement les cours de l'or noir.
Résultat : les bourses s'écroulent,
au Moyen-Orient et ailleurs, dans des proportions qui rappellent la
crise de 2008.
Si la tendance perdure, le schiste US ne survivra pas à
ce double mouvement de faucille, entraînant probablement dans son
effondrement une partie du système financier états-unien.
Coïncidence - et dans ce domaine, les
coïncidences sont immédiatement suspectes -, une révolution de palais a
eu lieu à Riyad au moment même où Moscou décidait de détruire l'Opec+.
Trois princes ont été arrêtés,
dont le propre frère de MBS ainsi que son cousin, Mohammed ben Nayef,
chouchou de la CIA.
Ils sont accusés d'avoir « fomenté un coup dans le
but de renverser le roi et le prince héritier ».
Si ce genre d'accusation prête
généralement à sourire dans la région, la concomitance de ces
arrestations avec les événements qui bouleversent le marché mondial du
pétrole devrait cependant mettre la puce à l'oreille.
Cornaqué par ses
parrains américains, Nayef préparait-il un putsch pour empêcher MBS de
faire s'écrouler les cours de l'or noir et de provoquer ainsi la débâcle
financière de l'empire ?
MBS a-t-il voulu prendre les devants,
anticipant une révolte généralisée dans le royaume des sables ?
Beaucoup
de questions et peu de réponses pour l'instant...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Ici, les commentaires sont libres.
Libres ne veut pas dire insultants, injurieux, diffamatoires.
À chacun de s’appliquer cette règle qui fera la richesse et l’intérêt de nos débats.
Les commentaires injurieux seront supprimés par le modérateur.
Merci d’avance.