Par Jean-Paul Brighelli
Publié le | Le Point.fr
En 2015, 88 % des collégiens ont décroché leur brevet, dont 57,8 % avec une mention. © AFP/ MEHDI FEDOUACH
Le cru 2015 a pulvérisé les records. Mais alors, ironise Brighelli, pourquoi Mme Vallaud-Belkacem veut-elle réformer un collège qui fonctionne si bien ?
Les statistiques sont tombées : en moyenne, les résultats du brevet des collèges sont aussi magiques que ceux du bac – autour de 88 % de reçus.
Mieux encore : le pourcentage des élèves reçus avec mention (plus de 12/20 de moyenne) a bondi de cinq points, à 57,8 %.
Plus étonnant encore : certaines académies qui jusqu'à présent flirtaient avec la queue du peloton se retrouvent d'un seul coup en tête – ainsi la Guadeloupe, qui entre dans le trio de tête, juste après Rennes (trop forts, les Bretons !) et Paris – capitale oblige.
L'effet Najat !
Ce n'était pourtant pas gagné, à en croire le ministère même.
Najat Vallaud-Belkacem n'avait-elle pas déclaré, afin de préparer les esprits à sa salutaire réforme : « Les évaluations nationales et internationales sont sans appel : le collège aggrave la difficulté scolaire, particulièrement dans les disciplines fondamentales.
Sans mettre en cause la compétence et l'engagement des enseignants, force est aujourd'hui de reconnaître lucidement que le collège cristallise les défauts de notre système éducatif.
Il est profondément inégalitaire, triant les élèves davantage qu'il ne les accompagne dans la réussite. Il est monolithique dans son approche disciplinaire, suscitant parfois l'ennui, voire la perte du goût pour le travail et l'effort.
Il est inadapté au développement des compétences indispensables à la future insertion des collégiens et peu efficace sur l'orientation et la lutte contre le décrochage.
En définitive, le collège actuel est souvent peu motivant pour les élèves, anxiogène pour les parents et frustrant pour les professeurs, auxquels il ne laisse que peu d'autonomie. »
On appréciera au passage la remarque « sans mettre en cause la compétence et l'engagement des enseignants » – dont on comprend bien, en contexte, qu'elle est juste une précaution oratoire. Eh bien, n'en déplaise au ministre, les enseignants ont manifestement préparé leurs élèves au mieux de leurs compétences… À moins que ce ne soit l'effet Najat : « C'est parce qu'entre 2015 et 2016, NVB a su remettre les choses en ordre dans son engagement dans la réussite pour tous les élèves. Maintenant que vous avez la preuve de son efficacité, allez par les chemins, dites ce que vous avez vu, et ne doutez plus », persifle un enseignant.
Un mensonge généralisé
Soyons sérieux : ces résultats miraculeux ont été obtenus parce que – au choix, mais cela peut se cumuler – les sujets ont été simplifiés à l'extrême (voir par exemple la correction des sujets d'histoire-géographie de l'année dernière), les correcteurs insuffisamment zélés ont été priés de revoir leur notation, les chefs d'établissement ont « oublié » d'intégrer les notes parfois accablantes des « brevets blancs » (une bonne part du brevet s'obtient en contrôle continu, et les notes acquises au cours de l'année pèsent donc sur le résultat final) ou, mieux, ils les ont corrigées sur le logiciel Pronotes dans le dos des enseignants, comme en témoigne une étude toute récente de France-Examen.
C'est la même chose au bac, où les notes inférieures à 10 sont soigneusement révisées – avec ou sans l'accord des correcteurs.
Il est essentiel de donner de l'espoir aux parents (et à la presse, qui va rarement chercher plus loin que les statistiques obligeamment fournies par la Rue de Grenelle).
Tout le système est gangréné par un mensonge global : si les examinateurs notaient en valeur absolue, combien de candidats décrocheraient le sésame de l'entrée dans le supérieur ?
Or, il est essentiel de dégager vers le haut – quitte à ce que les élèves ou les étudiants se fracassent un jour contre le mur du réel.
L'autre réforme On peut bien se moquer des scores staliniens de certains dictateurs élus avec 99 % des voix.
L'Éducation nationale ne vaut pas mieux : elle fabrique à la chaîne des collèges et des lycées Potemkine, tout va très bien, Madame la Marquise.
Oui – mais le château a brûlé, et la jument grise aussi.
Dès lors, pourquoi réformer un système aussi performant, se demandent les mauvais coucheurs.
Ma foi, sans doute faut-il réformer en profondeur collège et lycée (et prioritairement l'école primaire, qui génère les enfants perdus de sixième) – dans le sens d'une plus grande exigence, d'une vraie transmission des savoirs, de pédagogies réelles, et non de fictions idéologiques, comme c'est aujourd'hui le cas.
Alors, peut-être que les élèves arriveront à donner le meilleur d'eux-mêmes, et que les résultats refléteront un niveau réel, et non les illusions trompeuses, mais soigneusement entretenues par les services centraux, d'une école française performante – alors qu'elle est à la dérive.
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