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mardi 7 avril 2015

M. Sapin : venez sur les bancs de mon école d’économie


 
 
Le 07/04/2015
 
Avant d’invectiver les entrepreneurs, vous devriez peut-être vous poser des questions sur votre propre logiciel.
 
Monsieur Le Ministre,

Je vous ai écouté vendredi dernier sur une grande antenne de radio, et on sent bien que vous vous impatientez.
 Au petit matin, vous avez largement tancé un entrepreneur qui vous interpellait sur la croissance soi-disant retrouvée.
 Votre réponse en a laissé plus d’un pantois.
Comme si les entreprises privées se laissaient aller aux délices de la prospérité paresseuse, vous lui avez demandé – ou plutôt exigé de lui – qu’il investisse.
 Vous l’avez même accusé de ne pas avoir changé de logiciel comptable, car il avait l’outrecuidance de se plaindre de ne pas ressentir la baisse des charges annoncée !
C’est vrai, pourquoi nos entreprises n’investiraient pas ?
À vous entendre, grâce à votre politique économique, nous avons retrouvé un « bon niveau de taux de marge ».
Allez, Monsieur le Ministre, prenez quelques jours et venez sur les bancs de mon école d’économie. Début du cours : le constat. L’INSEE l’annonce, les marges des entreprises « s’améliorent sensiblement » sur le premier trimestre.
 Cela va dans le bon sens et il est naturel que vous vous en réjouissiez.
Pourtant, tout prof d’économie (niveau première ES) vous apprendra que si le mouvement a son importance, le point de départ est primordial.
Et d’où partons-nous ?
 Pas besoin d’être ministre de la République pour le savoir, une connexion Internet suffit : les marges des entreprises françaises sont parmi les plus mauvaises d’Europe, près de 10 points de moins que l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’Italie.

Ne crachons toutefois pas dans la soupe.
 Pour de nombreuses PME, le CICE a bel et bien eu des effets positifs.
 Ce n’est, en revanche, pas le cas avec la baisse des cotisations familiales.
 En effet, vous avez juste, dans votre intervention, « oublié » de parler de la hausse des cotisations retraite, des cotisations pour la prévoyance…
Au final, la baisse annoncée est, dans la quasi-totalité des cas, plus que compensée par les hausses et, donc, le coût du travail ne baisse pas.
 Il suffit, pour s’en convaincre, de jeter un œil à l’étude annuelle effectuée par le cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers (PWC) sur le niveau de taxe dans le monde : la France figure dans le peloton de tête en matière de charges sur le travail : 51,7 % contre 16,2 % au niveau mondial et 23,3 % pour les pays de l’OCDE.

Ainsi donc, Monsieur Sapin, vous mettez les entrepreneurs en demeure d’investir alors qu’ils sont dans les derniers en matière de rentabilité et dans les premiers en matière de prélèvements !
 Oui, mais cela ne compte pas, vous décrétez que les entreprises française en ont la capacité !
 Le gouvernement a fait son travail et si le chômage est en hausse, c’est à cause des entrepreneurs qui n’investissent pas, qui n’embauchent pas.
 Ce n’est évidemment pas comme cela que ça marche.
Plusieurs facteurs doivent être réunis pour réaliser un investissement ou une embauche : un cadre favorable et des perspectives.

Le cadre législatif et réglementaire français n’est certainement pas un facteur positif.

 À l’échelle des PME, les multiples normes, autorisations préalables, contrôles inopinés rendent les investissements coûteux et hasardeux, les recrutements risqués.

 Mais si les perspectives s’améliorent (ce qui semble être le cas) et que, notamment par sa flexibilité, le cadre est adapté, alors l’entrepreneur n’hésitera pas à prendre le risque d’investir et d’embaucher.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit : entreprendre, c’est mettre en perspective des risques de pertes et des espoirs de gains, en particulier dans l’industrie.

Monsieur le Ministre, vous devez savoir que l’on partage votre impatience.

 Mais avant d’invectiver les entrepreneurs, vous devriez peut-être vous poser des questions sur votre propre logiciel.

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