« Non, je n'ai pas d'informations concernant la date, la durée, le contenu des interceptions judiciaires », a assuré Christiane Taubira, juste après le conseil des ministres du mercredi 12 mars. Accusée de mensonge par la droite dans l'affaire des écoutes de Nicolas Sarkozy, la ministre de la justice a brandi deux lettres. L'une du procureur national financier, Eliane Houlette, adressée au procureur général de Paris, l'autre d'un représentant de ce dernier à la garde des sceaux. Sur les photos de ces documents, le contenu des lettres est facilement lisible, même si certains passages sont cachés par la main de Mme Taubira.Il en ressort que la ministre de la justice était tenue « régulièrement » au courant des détails des évolutions de l'enquête liée au financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.
Mme Taubira dit n'avoir été prévenue des interceptions téléphoniques sur les portables de M. Sarkozy que le 28 février.
Les documents révèlent notamment que les conversations entre Nicolas Sarkozy et son avocat, Me Thierry Herzog, ont été écoutées du 28 janvier au 11 février 2014.
Ils mettent en exergue le rôle joué par un magistrat à la cour de cassation, – il s'est révélé être Gilbert Azibert –, qui renseignait Me Herzog des avancées de la procédure Bettencourt.
L'avocat, selon les retranscriptions téléphoniques, aurait également été informé à l'avance de perquisitions prévues dans le dossier libyen. Me Herzog n'a pu être joint par Le Monde.
Voici le verbatim de ces documents :
J'ai l'honneur de porter à votre connaissance les faits suivants (...)
Dans le cadre de l'information citée en référence, relative au financement de la campagne présidentielle de 2007, MM. Tournaire et Grouman, juges d'instruction, m'ont (...) par ordonnance de soit-communiqué du 17 février 2014, de faits incidents susceptibles de caractériser les infractions de violation du secret de l'instruction, trafic d'influence passif et actif, complicité et recel de ces infractions, à la suite des investigations menées par l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions fiscales agissant sur commission rogatoire délivrée le 23 avril 2013.
Les policiers ont intercepté entre le 28 janvier et le 11 février 2014, des conversations téléphoniques entre Monsieur Nicolas Sarkozy utilisant une ligne téléphonique souscrite sous un nom d'emprunt (Paul Bismuth) et M. Thierry Herzog, avocat se servant d'une ligne téléphonique souscrite le même jour et au même endroit que la première. (...) révélé, d'une part, que Monsieur Thierry Herzog aurait pu être renseigné de (…) tant sur la surveillance des téléphones de Nicolas Sarkozy que sur la (...) d'une perquisition dans le cadre de l'information en cours et, d'autre part, (...) est entré en relation, à de nombreuses reprises, avec un magistrat du parquet général de la Cour de cassation, dont le nom figure dans la procédure, lequel aurait (...) avant une audience relative à l'examen d'un pourvoi concernant une ouverture d'information suivie à Bordeaux, les documents internes à la Cour de cassation (...) conseiller rapporteur et avis de l'avocat général) et rencontré un par un (…) lui expliquer”, avant qu'ils ne délibèrent, deux ou trois des conseillers (...) appartenant à la formation appelée à statuer sur ce pourvoi.
Ces communications mettent également en évidence que ce magistrat aurait fait part à Thierry Herzog de son souhait d'être nommé conseiller au tour extérieur au Conseil d'Etat de Monaco et que Nicolas Sarkozy aurait assuré qu'il l'aiderait dans ce projet « avec ce que tu fais » (selon Thierry Herzog).
Certes les conversations interceptées sont celles d'un avocat avec son client, ce qui pourrait constituer un obstacle à l'ouverture d'une information.
Mais elles ont eu lieu à travers une ligne téléphonique ouverte sous un faux nom et au surplus sont de nature à faire présumer la participation de l'avocat concerné à une infraction.
Au vu de ces élements, j'ai requis ce jour l'ouverture d'une information contre X pour ces faits.
Je vous tiendrai informé des développements de cette procédure.
Le procureur de la République financier
Eliane Houlette
J'ai l'honneur de vous prier de bien vouloir trouver sous ce pli un rapport du procureur de la République financier me rendant compte de l'ouverture ce jour d'une information (...) personne non dénommée des chefs de violation du secret de l'instruction, de trafic d'influence actif et passif et de complicité et recel de ces infrations.
Le juge d'instruction saisi du dossier dit « des financements libyens » de la campagne présidentielle de 2007 (dont il vous est régulièrement rendu compte sous la référence AS/13/2352/FIN) a en effet par ordonnance du 17 janvier 2014 transmis au procureur de la République financier des procès-verbaux transcrivant des écoutes téléphoniques et des (...) d'appels téléphoniques dont il résulterait des suspicions de commission de ces infractions.
Il est en effet apparu que Nicolas Sarkozy placé sur écoutes dans le cadre de cette procédure, en aurait été informé, après que le bâtonnier de Paris ait été lui-même averti par le juge d'instruction conformément aux dispositions de l'article 100-7 du code de procédure pénale, la personne écoutée étant un avocat au barreau de Paris.
Il est également apparu que le même Nicolas Sarkozy, utilisateur d'une seconde ligne téléphonique portable – ouverte sous un nom d'emprunt pour semble-t-il déjouer la première écoute judiciaire – seconde ligne également écoutée, était en relations fréquentes avec Thierry Herzog, également avocat au barreau de Paris et qui est son conseil dans l'affaire dite « Bettencourt » en cours à Bordeaux ; à la faveur de ces conversations, il apparaît que les deux hommes évoquent à plusieurs reprises les interventions réelles ou supposées d'un magistrat du parquet général de la Cour de cassation, dans le cadre de l'examen par la chambre criminelle de cette Cour d'un pourvoi formé contre un arrêt de la chambre de l'instruction de Bordeaux.
Après examen de la jurisprudence relative à l'interception et à la retranscription de conversations entre une personne et son avocat, il apparaît que la validité de celles-ci, même si elle peut donner lieu à des contestations, peut se soutenir,le contenu des conversations et l'usage d'une ligne ouverte sous une identité d'emprunt étant de nature à faire présumer la participation de cet avocat à des faits constitutifs d'une infraction au sens de l'arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 1er octobre 2003.
La nécessité de faire procéder à des investigations ne pouvant être ordonnées que par un magistrat instructeur – notamment de nouvelles écoutes – a conduit le procureur de la République financier à requérir l'ouverture d'une information distincte des chefs visés en objet, ces faits n'ayant pas de rapport direct avec le dossier initial.
Je ne manquerai pas de vous tenir informé des suites de cette procédure.
Le procureur général
Philippe Lagauche Avocat général
Par Service France Mme Taubira dit n'avoir été prévenue des interceptions téléphoniques sur les portables de M. Sarkozy que le 28 février.
Les documents révèlent notamment que les conversations entre Nicolas Sarkozy et son avocat, Me Thierry Herzog, ont été écoutées du 28 janvier au 11 février 2014.
Ils mettent en exergue le rôle joué par un magistrat à la cour de cassation, – il s'est révélé être Gilbert Azibert –, qui renseignait Me Herzog des avancées de la procédure Bettencourt.
L'avocat, selon les retranscriptions téléphoniques, aurait également été informé à l'avance de perquisitions prévues dans le dossier libyen. Me Herzog n'a pu être joint par Le Monde.
Voici le verbatim de ces documents :
- Lettre de Eliane Houlette, procureur financier, adressée le 26 février au procureur général près de la Cour d'appel de Paris
J'ai l'honneur de porter à votre connaissance les faits suivants (...)
Dans le cadre de l'information citée en référence, relative au financement de la campagne présidentielle de 2007, MM. Tournaire et Grouman, juges d'instruction, m'ont (...) par ordonnance de soit-communiqué du 17 février 2014, de faits incidents susceptibles de caractériser les infractions de violation du secret de l'instruction, trafic d'influence passif et actif, complicité et recel de ces infractions, à la suite des investigations menées par l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions fiscales agissant sur commission rogatoire délivrée le 23 avril 2013.
Les policiers ont intercepté entre le 28 janvier et le 11 février 2014, des conversations téléphoniques entre Monsieur Nicolas Sarkozy utilisant une ligne téléphonique souscrite sous un nom d'emprunt (Paul Bismuth) et M. Thierry Herzog, avocat se servant d'une ligne téléphonique souscrite le même jour et au même endroit que la première. (...) révélé, d'une part, que Monsieur Thierry Herzog aurait pu être renseigné de (…) tant sur la surveillance des téléphones de Nicolas Sarkozy que sur la (...) d'une perquisition dans le cadre de l'information en cours et, d'autre part, (...) est entré en relation, à de nombreuses reprises, avec un magistrat du parquet général de la Cour de cassation, dont le nom figure dans la procédure, lequel aurait (...) avant une audience relative à l'examen d'un pourvoi concernant une ouverture d'information suivie à Bordeaux, les documents internes à la Cour de cassation (...) conseiller rapporteur et avis de l'avocat général) et rencontré un par un (…) lui expliquer”, avant qu'ils ne délibèrent, deux ou trois des conseillers (...) appartenant à la formation appelée à statuer sur ce pourvoi.
Ces communications mettent également en évidence que ce magistrat aurait fait part à Thierry Herzog de son souhait d'être nommé conseiller au tour extérieur au Conseil d'Etat de Monaco et que Nicolas Sarkozy aurait assuré qu'il l'aiderait dans ce projet « avec ce que tu fais » (selon Thierry Herzog).
Certes les conversations interceptées sont celles d'un avocat avec son client, ce qui pourrait constituer un obstacle à l'ouverture d'une information.
Mais elles ont eu lieu à travers une ligne téléphonique ouverte sous un faux nom et au surplus sont de nature à faire présumer la participation de l'avocat concerné à une infraction.
Au vu de ces élements, j'ai requis ce jour l'ouverture d'une information contre X pour ces faits.
Je vous tiendrai informé des développements de cette procédure.
Le procureur de la République financier
Eliane Houlette
- Lettre de Philippe Lagauche, avocat général près la Cour d'appel de Paris adressée à Christiane Taubira, datée du 26 février
J'ai l'honneur de vous prier de bien vouloir trouver sous ce pli un rapport du procureur de la République financier me rendant compte de l'ouverture ce jour d'une information (...) personne non dénommée des chefs de violation du secret de l'instruction, de trafic d'influence actif et passif et de complicité et recel de ces infrations.
Le juge d'instruction saisi du dossier dit « des financements libyens » de la campagne présidentielle de 2007 (dont il vous est régulièrement rendu compte sous la référence AS/13/2352/FIN) a en effet par ordonnance du 17 janvier 2014 transmis au procureur de la République financier des procès-verbaux transcrivant des écoutes téléphoniques et des (...) d'appels téléphoniques dont il résulterait des suspicions de commission de ces infractions.
Il est en effet apparu que Nicolas Sarkozy placé sur écoutes dans le cadre de cette procédure, en aurait été informé, après que le bâtonnier de Paris ait été lui-même averti par le juge d'instruction conformément aux dispositions de l'article 100-7 du code de procédure pénale, la personne écoutée étant un avocat au barreau de Paris.
Il est également apparu que le même Nicolas Sarkozy, utilisateur d'une seconde ligne téléphonique portable – ouverte sous un nom d'emprunt pour semble-t-il déjouer la première écoute judiciaire – seconde ligne également écoutée, était en relations fréquentes avec Thierry Herzog, également avocat au barreau de Paris et qui est son conseil dans l'affaire dite « Bettencourt » en cours à Bordeaux ; à la faveur de ces conversations, il apparaît que les deux hommes évoquent à plusieurs reprises les interventions réelles ou supposées d'un magistrat du parquet général de la Cour de cassation, dans le cadre de l'examen par la chambre criminelle de cette Cour d'un pourvoi formé contre un arrêt de la chambre de l'instruction de Bordeaux.
Après examen de la jurisprudence relative à l'interception et à la retranscription de conversations entre une personne et son avocat, il apparaît que la validité de celles-ci, même si elle peut donner lieu à des contestations, peut se soutenir,le contenu des conversations et l'usage d'une ligne ouverte sous une identité d'emprunt étant de nature à faire présumer la participation de cet avocat à des faits constitutifs d'une infraction au sens de l'arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 1er octobre 2003.
La nécessité de faire procéder à des investigations ne pouvant être ordonnées que par un magistrat instructeur – notamment de nouvelles écoutes – a conduit le procureur de la République financier à requérir l'ouverture d'une information distincte des chefs visés en objet, ces faits n'ayant pas de rapport direct avec le dossier initial.
Je ne manquerai pas de vous tenir informé des suites de cette procédure.
Le procureur général
Philippe Lagauche Avocat général
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