Ce texte marque une dérive sans précédent vers la généralisation de la surveillance sur Internet. En l'état, il permet la capture en temps réel sur simple demande administrative et sans mandat judiciaire des informations et documents traités dans les réseaux concernant tout un chacun. Il rend par ailleurs permanents des dispositifs qui n'étaient que temporaires.
À son article 13, ce texte organise la généralisation d'une surveillance en temps réel des « informations et documents traités et conservés dans les réseaux », concernant potentiellement tous les citoyens1, à la demande et pour le compte d'une variété de ministères (sécurité intérieure et défense, mais aussi économie et budget), dont l'implication de certains dépasse largement la protection des citoyens contre des incidents d'une exceptionnelle gravité.
En effet, ce projet de loi permettrait à ces ministères d'autoriser la surveillance en temps réel de tout citoyen pour la seule « prévention […] de la criminalité » ou la particulièrement vague « sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France »2.
La collecte directe d'information se fera non seulement auprès des fournisseurs d'accès (FAI et opérateurs de télécommunication) mais aussi auprès de tous les hébergeurs et fournisseurs de services en ligne.
Malgré la gravité et l'étendue de ces collectes, aucune disposition ne limite sérieusement leur volume.
Celles-ci pourraient passer par l'installation directe de dispositifs de capture de signaux ou de données chez les opérateurs et les hébergeurs.
La définition de ces derniers s'effectue par renvoi à des dispositions de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) et font craindre à son tour un périmètre d'application très large.
« Face aux preuves démontrant l'espionnage massif et généralisé de l'ensemble des citoyens, les gesticulations du Président de la République et du gouvernement ne trompent personne.
Ce projet de loi instaure un régime de surveillance généralisée et risque de définitivement rompre la confiance relative accordée par les citoyens aux services en charge de la sécurité.
Une référence imprécise aux besoins de la sécurité ne justifie pas de telles atteintes aux libertés.
La Quadrature du Net appelle solennellement les parlementaires à refuser cette atteinte aux droits fondamentaux au cours de la deuxième lecture de ce texte » conclut Philippe Aigrain, cofondateur de La Quadrature du Net.
- 1. L'article 13 prévoit de modifier le code de la sécurité intérieure en y ajoutant notamment :
« Art. L. 246-1. – Pour les finalités énumérées à l’article L. 241-2, peut être autorisé le recueil, auprès des opérateurs de communications électroniques et des personnes mentionnées à l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques ainsi que des personnes mentionnées aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, des informations ou documents traités ou conservés par leurs réseaux ou services de communications électroniques, y compris les données techniques relatives à l’identification des numéros d’abonnement ou de connexion à des services de communications électroniques, au recensement de l’ensemble des numéros d’abonnement ou de connexion d’une personne désignée, à la localisation des équipements terminaux utilisés ainsi qu’aux communications d’un abonné portant sur la liste des numéros appelés et appelant, la durée et la date des communications. » - 2. Article L. 241-2 du code de la sécurité intérieure, sur lequel l'article 13 du projet de loi de programmation militaire 2014-2019 définit son périmètre :
« Peuvent être autorisées, à titre exceptionnel, dans les conditions prévues par l'article L. 242-1, les interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques ayant pour objet de rechercher des renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous en application de l'article L. 212-1. »
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