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lundi 9 septembre 2013

Syrie : comment Hollande a sorti les rames



François Hollande et Laurent Fabius à Saint-Pétersbourg.
François Hollande et Laurent Fabius à Saint-Pétersbourg. © Jacques Witt/AFP

Depuis dix jours, François Hollande se débat dans l'imbroglio de l'intervention syrienne. Récit d'un marathon, débuté presque malgré lui.

Par Emmanuel Berretta

François Hollande s'exprimera devant les Français sur la situation syrienne.
 Le chef de l'État sait qu'il ne parviendra pas à rallier l'opinion publique à l'option militaire qu'il a choisi de soutenir face au régime de Bachar el-Assad.
 "Il ne retournera pas l'opinion mais veut se faire comprendre d'elle", nous indique son entourage.
D'habitude si sensible à l'opinion, Hollande nage ici à contre-courant.

 Le président a changé de discours : de la "punition" qu'il voulait infliger au régime syrien, il n'est plus question.
 Les premiers dérapages de la position française ont été peu à peu corrigés pour aboutir à la déclaration commune des ministres des Affaires étrangères européens à Vilnius, samedi.

Le faux pas de Fabius

Dans cette affaire, Hollande a vécu deux mauvaises surprises : le 22 août, au lendemain des attaques chimiques sur Damas, Laurent Fabius sème le trouble à l'Élysée en déclarant, chez Jean-Jacques Bourdin, qu'il ne faudra pas exclure "une réaction de force" si la responsabilité du régime d'Assad est établie dans ces massacres. Hollande n'est pas ravi, pour deux raisons : ce n'est pas au chef de la diplomatie de brandir la menace de la force.
 Cette prérogative est à l'usage exclusif du chef de l'État.
 Deuxième raison : à ce moment-là, François Hollande ne dispose d'aucune preuve incriminant Assad, même s'il a de forts soupçons...
 On va donc se dépêcher de demander à la DGSE d'établir de telles preuves.
 "Fabius a grillé les étapes. On remonte donc le film à l'envers pour que la réalité colle avec le discours !" s'alarme-t-on au sein de l'exécutif.
Deuxième mauvaise surprise : Obama rétropédale et s'en remet à son Congrès.
 Samedi, en fin d'après-midi, il annonce sa décision au président français.
 En raccrochant, Hollande doit présider un conseil de défense qui était déjà prévu.
 Sa première réaction : il évince de la réunion tous les conseillers militaires pour ne garder que les ministres - Ayrault, Fabius, Valls, Le Drian (ministre de la Défense) et Vidalies (ministre des Relations avec le Parlement).
Un geste qui signifie, selon ses proches, qu'il réalise que l'enjeu est désormais "politique".
 Les mêmes se retrouvent le dimanche soir pour, cette fois, "monter l'opération militaire".
 C'est aussi dimanche soir que le chef de l'État écarte tout vote d'approbation au Parlement.
"Je ne diluerai pas les attributs du président que la Constitution du général de Gaulle lui confère," aurait-il dit.
 Le Parlement sera donc simplement saisi d'un débat sans vote...

La DGSE appelée en renfort

La communication est reprise en main.
 Hollande lance la bataille des preuves.
 Il faut convaincre de la responsabilité du régime de Bachar.
"Tu en montres le maximum, il faut qu'ils sachent", glisse-t-il à son ministre de la Défense.
 D'où le fait que JDD publie une synthèse à partir d'une note déclassifiée de la DGSE dès le week-end du 31 août.
 La DGSE a rassemblé 47 vidéos des massacres réalisées par des Syriens.
Seules six seront sélectionnées et montrées afin de convaincre les parlementaires de la responsabilité du régime syrien dans ce massacre.
 C'est Jean-Yves Le Drian qui effectuera la démonstration devant les chefs de parti à Matignon.
Il reproduira sa démonstration devant le groupe PS à l'Assemblée nationale, et c'est encore lui qui, le vendredi 30 août, à Vilnius où se réunissent les nations européennes, ouvrira la conférence au château des grands-ducs de Lituanie.
L'objectif est d'obtenir une déclaration ralliant les pays européens.
 En marge, Le Drian rencontre de manière bilatérale ses homologues allemand, italien, britannique, ainsi que les ministres chypriote (la France aura besoin d'une base arrière en cas d'intervention) et belge.
 Laurent Fabius, pendant ce temps, chauffe à blanc les ministres des Affaires étrangères.

Hollande et la solitude du pouvoir

Cette offensive diplomatique aboutit à un demi-succès.
 À la fin du sommet de Vilnius, les Européens signent une déclaration condamnant le régime de Damas mais se gardent bien d'évoquer une intervention militaire.
 Au G20, en revanche, c'est le naufrage : Poutine campe invariablement sur les mêmes positions.
 Si le tsar de Moscou convient volontiers que Bachar el-Assad est terrible avec son peuple, "il n'est toujours pas question pour lui de laisser la Syrie entre les mains d'islamistes qui déstabiliseraient les Républiques musulmanes aux portes de la Russie", confie-t-on à l'Élysée.
 Une seule évolution : lundi, la Russie appelle le régime syrien à placer sous contrôle international son arsenal chimique pour éviter des frappes occidentales.
C'est en tout cas ce qu'a déclaré le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.
Pour le président français, l'intervention, si elle a lieu, poursuivrait deux objectifs stratégiques : dissuader tout État de réitérer une attaque chimique et anéantir les capacités d'usage des armes chimiques par le régime de Bachar el-Assad.
 François Hollande n'a jamais autant éprouvé ce qu'était la solitude du pouvoir.

 Et c'est au peuple français qu'il devra rendre des comptes.

http://www.lepoint.fr/politique/emmanuel-berretta/syrie-comment-hollande-a-sorti-les-rames-09-09-2013-1722510_1897.php

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