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samedi 13 mai 2023

Souveraineté : nos entreprises « sensibles » passent sous capitaux étrangers


 

 Marc Baudriller 12 mai 2023

C’est une loi immuable de la nature : un animal jeune, vieux, malade, affaibli devient la cible des prédateurs. 

Les entreprises françaises, notamment les entreprises dites « sensibles », sont-elles passées du camp des prédateurs à celui des proies des investisseurs étrangers ? Selon des chiffres recueillis par Les Échos dans le dernier rapport annuel du Trésor sur le contrôle des investissements étrangers en France, 131 entreprises françaises « sensibles » sont passées dans les mains de capitaux étrangers, en 2022, sur 325 dossiers déposés à Bercy. Plus d’un sur trois.

Les entreprises « sensibles », c’est cette crème de notre savoir-faire qui touche à la sécurité ou aux intérêts stratégiques du pays. Où commence l’intérêt national et où finit-il ? L’État français a détouré précisément ce domaine.

« Les relations financières entre la France et l’étranger sont libres, précise officiellement le Trésor public. Par exception, dans des secteurs limitativement énumérés, touchant à la défense nationale ou susceptibles de mettre en jeu l'ordre public et des activités essentielles à la garantie des intérêts du pays, l'article L. 151-3 du Code monétaire et financier soumet les investissements étrangers à une procédure d’autorisation préalable. »

Des pépites françaises stratégiques et potentiellement dangereuses pour nos intérêts passent ainsi, tous les ans, dans les mains d’entreprises étrangères. Cette année, Les Échos citent le cas de la fameuse et seule agence française de conseil spécialisée dans les assemblées générales d’entreprises Proxinvest (Glass Lewis). Le leader français de l’intelligence économique ADIT est passé sous le contrôle du fonds canadien Sagard. Le spécialiste de l’électricité verte Plüm a rejoint le Britannique Octopus Energy. La liste est longue. Elle est dominée par les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada. La Chine fait largement son marché en France et en Europe. L’Europe qui doit contrôler les mêmes points de souveraineté et ne contrôle rien : en 2020, sur près de 1.800 dossiers, sept seulement ont été rejetés par nos fonctionnaires européens bien nourris.

Bercy assure qu’il a imposé, dans la moitié des cas, le maintien du siège et/ou des emplois en France. Un lot de consolation… temporaire. Car la France est prise entre le marteau du fonctionnement du marché et l’enclume de ses intérêts stratégiques. « La priorité demeure la protection de nos intérêts nationaux, tout en veillant à l’attractivité et à l’ouverture aux investisseurs étrangers », explique le Trésor, qui se félicite, par ailleurs, de l’augmentation des investissements étrangers dans l’Hexagone.

Au lieu de cet « en même temps » intenable, la France devrait d’abord revoir la liste de ses secteurs stratégiques, qui comprennent l'énergie, la défense, les transports, l'alimentation ou les biotechnologies. Mais aussi « l'édition, l'impression ou la distribution des publications de presse d'information politique et générale ». Pourquoi ?

La France devrait surtout être prête, pour conserver ses joyaux, à investir temporairement dans ces entreprises, lorsque les candidats français manquent, via des fonds d’État. Cette utilisation de nos fonds publics serait plus porteuse d’avenir que bien d’autres dépenses, les subventions à fonds perdus à Mayotte ou aux pays d'immigration par exemple. Encore faut-il, pour cela, abandonner le bêlement européiste pour une politique de souveraineté, française authentique et courageuse.

Le 11 octobre 2022, le député RN Alexandre Loubet tançait avec véhémence le même Bruno Le Maire sur le rachat, par un groupe américain, de l’entreprise Exxcelia, qui se trouve sur sa circonscription : « Monsieur Le Maire, vous avez travaillé il fut un temps pour Dominique de Villepin qui avait dénoncé la lâcheté de ceux qui refusent de défendre les intérêts de la France. Aujourd’hui, le lâche, c’est vous ! » Furieux, Bruno Le Maire avait demandé des excuses officielles au député « pour avoir employé le terme de lâche à une personne (sic) qui a toujours fait preuve de courage dans son engagement politique […] ».

Depuis, faute de repreneur français, Exxelia, qui fabrique des éléments du Rafale notamment, est passée sous pavillon américain (HEICO). Le ministre et le filet mis en place ont des trous : le dispositif est peut-être... un peu trop lâche.

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