La nouvelle étape du chemin de croix de Salman Rushdie est la triste occasion de revenir sur les précédentes.
De scruter ses déclarations. Toutes prophétiques, vu la conscience qu'il a eu, dès 1989, d'être embarqué dans une tragédie qui le dépassait - mais qui ne le laisserait plus jamais tranquille. Le chemin de croix, c'est aussi l'occasion de voir ceux qui se moquent ou détournent les yeux quand vous tombez, et ceux qui vous soutiennent.
Dans la seconde catégorie, reconnaissons que Bernard-Henri Lévy a été d'un soutien constant pour l'écrivain traqué : c'est l'un de ses plus justes combats. Aujourd'hui, il demande pour lui le prix Nobel de littérature. Bonne idée : ce serait un nouveau test du courage ou de la couardise occidentale. Sans illusion.
Dans la première catégorie, celle des soutiens ambigus, qui soutiennent et s'indignent certes, mais refusent de mettre les mots « islam » ou « islamisme » sur le mal et les couteaux qui égorgent, il y a eu, il y a encore une grande partie de la gauche : les tweets d'Emmanuel Macron, de Clémentine Autain, de Mathilde Panot, de Sandrine Rousseau ou d'Alexis Corbière resteront dans les annales.
Tout cela, Salman Rushdie le savait et le disait. Dans un entretien à L'Obs de 2017, il parlait sans détour de cet « aveuglement » de la gauche sur l'islamisme. Sara Daniel, l'auteur de l'interview, est venue rappeler ces quelques vérités de l'écrivain sur le plateau de « C dans l'air ».
Sur islam et islamisme, il règle son compte une fois pour toutes aux pseudo-théologiens adeptes des distinguos trop subtils pour être honnêtes : « Il faut arrêter l'aveuglement stupide face au djihadisme qui consiste à dire que cela n'a rien à voir avec l'islam. [...] Je suis en désaccord total avec ces gens de gauche qui font tout pour dissocier le fondamentalisme de l'islam. »
Sur les attentats : « Quand les gens de Daech se font sauter, ils le font en disant "Allahou Akbar", alors comment peut-on dès lors dire que cela n'a rien à voir avec l'islam ? »
Sur l'évolution de l'islam au niveau planétaire, l'écrivain : « Depuis 50 ans, l'islam s'est radicalisé. Il y a bien sûr une tradition d'un islam éclairé. Mais il n'est pas au pouvoir aujourd'hui... Côté chiite, il y a eu l'imam Khomeini et sa révolution islamique. Dans le monde sunnite, il y a eu l'Arabie saoudite, qui a utilisé ses immenses ressources pour financer la diffusion de ce fanatisme qu'est le wahhabisme. »
Sur l'islamophobie : « Aujourd'hui, on m'accuserait d'islamophobie et de racisme. »
Et puis, toujours avec la même lucidité, cette dernière pelletée de terre sur le cercueil de la gauche, lancée par un homme de gauche : « Je trouve consternant d'entendre Marine Le Pen analyser l'islamisme avec plus de justesse que la gauche »
Une dernière remarque sur cet aveuglement coupable de la gauche. Certains remarquent le jeune âge de l'agresseur de Salman Rushdie, même pas né au moment de la fatwa de 1989, et soulignent à quel point des générations de musulmans ont été élevés et ont grandi avec cela. On ne peut qu'être frappé, face à cette transmission de la haine de l'Occident dans le monde islamique, par les failles de notre propre transmission : depuis deux jours, je constate que dans ma famille et chez mes élèves, les générations aujourd'hui âgées de 15 à 30 ans ne connaissaient même pas Salman Rushdie et son histoire... L'Éducation nationale était passée par là, en renfort d'un obscurantisme qui n'avait nullement besoin de son aide.
Souhaitons que l'explosion des ventes des ouvrages de Salman Rushdie depuis trois jours marque une nouvelle étape de la prise de conscience de la tragédie qui nous frappe chez les générations à qui la gauche l'a consciencieusement cachée.
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