La vie politique est généralement faite de paradoxes et d’ironie, à en croire les résultats électoraux de dimanche soir.
On sait qui a perdu, sans pouvoir véritablement affirmer qui a gagné. Il est vrai que le vote utile a causé les ravages qu’on sait. Anne Hidalgo et Valérie Pécresse sont tombées, laissées pour mortes, pronostic vital engagé, leurs deux partis LR et PS, ayant longtemps régi la vie politique française, étant aujourd’hui en état de raideur cadavérique ; tandis qu’Éric Zemmour, grand blessé de guerre, demeure, lui, en soins intensifs.
Eux, le vote utile les a tués. L’électeur de centre-droit a voté Emmanuel Macron et l’électeur de droite Marine Le Pen. Pareil pour ceux de gauche, les uns volant par anticipation au secours du locataire de l’Élysée, les autres se reportant sur Jean-Luc Mélenchon. Pourtant, ce dernier, échouant une nouvelle fois aux portes du second tour de l’élection présidentielle, est à la fois bénéficiaire de ce même « vote utile », tout en en demeurant la victime. La faute à qui ? À Fabien Roussel, pardi.
En effet, les 2,28 % de Roussel ont, de fait, empêché Mélenchon de concourir en finale.
Pour les amateurs d’histoire, cet échec demeurera une ironie tout aussi historique que paradoxale. En effet, Jean-Luc Mélenchon est un trotskiste, tout comme Julien Dray, qui a inspiré le principal personnage du Baron noir, l’excellente série télévisuelle qu’on sait. Seulement voilà, il ne s’agit pas des mêmes sectes. Dray, de la Ligue communiste révolutionnaire, célèbre, tout comme Edwy Plenel, le grand patron de Mediapart, en Léon Trotski la figure de l’intellectuel enfiévré, en appelant à la révolution mondiale. Mélenchon, de l’Organisation communiste internationaliste, a toujours privilégié le Léon Trotski militaire, celui qui a rétabli les grades et le salut dû à l’officier dans l’Armée rouge, lui permettant ainsi de vaincre celles du tsar de toutes les Russies.François Mitterrand, en fieffé renard qu’il était, savait mieux que personne que ces deux chapelles communiaient dans la même détestation des « stals » ; soit ce Parti communiste français ayant mis fin à la grande récréation de Mai 68. Voilà pourquoi il s’attacha les services des uns et des autres. Le Julien Dray plus haut cité, de la LCR. Mais aussi Jean-Christophe Cambadélis et un certain Lionel Jospin, lui aussi issu de l’OCI. Pour hasardeux que fut ce pari, il fut amplement réussi. Le PCF à l’ancienne, malgré la présence de quatre ministres communistes au gouvernement en 1981, devint tôt un grand cadavre à la renverse, continuant de déambuler dans un désert électoral, tel un canard sans tête.
Et c’est précisément ce reliquat de voix de fond de tiroir qui aura manqué à Jean-Luc Mélenchon pour parachever son grand destin : affronter Emmanuel Macron. À cet égard, rappelons que le plus proche conseiller de Fabien Roussel n’est autre qu’Olivier Marchais, fils de Georges et dindon de la farce de l’union des gauches, en 1981.
En bon trotskiste qu’il n’a jamais vraiment cessé d’être, Jean-Luc Mélenchon aurait pourtant dû se rappeler qu’un cadavre qui bouge encore demeure un cadavre potentiellement nuisible et se souvenir de l’adage stalinien qui, en de semblables circonstances, préconisait le grand nettoyage : « Plus de témoin, plus de crime ! »
En attendant, c’est Marine Le Pen qui peut, à l’église, mettre des cierges par pelletées entières pour remercier, ou le Tout-Puissant de cette divine surprise, ou la providence de ce malicieux clin d’œil historique. Fabien, si jamais tu nous lis, sache que la patrie te sera à jamais reconnaissante de ce geste salutaire, fût-il involontaire.
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