Jean-Luc Mélenchon l’a appelé de ses vœux. Pour contrer la politique d’Emmanuel Macron, une seule option pour le leader et candidat malheureux de la France Insoumise : l’envoyer à Matignon pour créer une alternance. Pour cela, Mélenchon n’a qu’une option : obtenir une majorité nette à l’Assemblée nationale. Fort de ses 20 % qui ont bien failli le porter au second tour, l’ancien sénateur du PS aura surtout réussi à écraser ses concurrents, renvoyant le PS aux oubliettes de l’Histoire et cassant la dynamique que les Verts avaient cru trouver en remportant plusieurs villes. Seule épine à son pied, le baroud d’honneur du Parti communiste français et de son candidat Fabien Roussel. Comme si l’ancien parti de Georges Marchais s’était souvenu qu’il était à la base l’étendard des ouvriers dont l’immense majorité a rejoint les rangs de Marine Le Pen. Roussel a eu au moins le mérite de ne pas voir comme sienne la dérive islamo-gauchiste de ses concurrents Insoumis et surtout la menace de la fin pure et simple d’un des plus vieux partis de France. Si les communistes ont l’habitude d’être accusés de trahison par la droite, il faut dire qu’ils sont peu habitués à voir cette accusation venir de la gauche. Et pourtant, aux yeux de Mélenchon et de ses lieutenants, ce sont eux qui portent la responsabilité de l’échec Insoumis au premier tour, les privant à leurs yeux des quelques voix qui manquaient au Chavez français.
Qui reste-il alors ? Le PS ? EELV ? Si de nombreux militants de ces deux partis seraient pour un rapprochement, la plupart des cadres s’y refusent. Stéphane Le Foll et Yannick Jadot savent que cette union aurait des accents de dissolution. Le Foll l’a rappelé sur France Inter : « ce serait l’effacement final » a martelé le maire du Mans dans la matinale de Public Sénat. Olivier Faure a tenu néanmoins à engager des discussions avec Jean-Luc Melenchon, une telle initiative a déjà provoqué la démission de cadres du PS. Chez Jadot, même son de cloche : s’il ne repousse pas l’idée d’une coalition, il s’oppose vertement à ce qu’elle se fasse derrière Mélenchon. Reste à l’écologiste à convaincre l’aile gauche de ses troupes menées par la caricaturale Sandrine Rousseau. Mais peuvent-ils vraiment endiguer la vague rouge-verte de celui qui les a passés à l’équarrissage, primaire populaire comprise ? En bref, Jean-Luc Mélenchon tente tout pour ravir la place d’opposant principal à Marine Le Pen, elle qui assume la stratégie inverse de ne s’allier avec personne, capitalisant sur les nombreuses voix gagnées par rapport à 2017. Si la capacité du RN à créer un groupe parlementaire en 2022 semble, enfin, une certitude, les projections lui promettant entre 80 et 120 députés semblent aujourd’hui assez optimistes au vu de la carte électorale. En définitive, il n’y a qu’un seul gagnant : Emmanuel Macron va gouverner contre une opposition qu’il aura achevé de décomposer, le risque de voir l’Assemblée nationale divisée entre un bloc macroniste et plusieurs îlots de groupes semble aujourd’hui l’hypothèse la plus probable. Jérome Sainte-Marie l’a bien résumé chez nos confrères de Boulevard Voltaire : « Si le bloc élitaire est achevé, le bloc populaire n’a pas réussi à se constituer, ceux qui disent que Macron est mal élu se trompent : il aura toutes les mains libres pour mettre en marche son programme. »
Etienne Defay
Article paru dans Présent daté du 27 avril 2022
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