Olivier Damien
Sept individus présumés être impliqués dans un vaste trafic de stupéfiants ont tout simplement été remis en liberté, faute d’un juge pour présider l’audience.
Cette affaire a tout d’un couac judiciaire, mais elle est aussi symptomatique de l’état de délabrement dans lequel se trouve la Justice de notre pays.
Ainsi, ce mercredi 19 juin, sept individus présumés être impliqués dans un vaste trafic de stupéfiants entre la région parisienne et la Gironde ont tout simplement été remis en liberté, faute d’un juge pour présider l’audience du tribunal correctionnel de Pontoise qui devait les juger.
Placés sous contrôle judiciaire après avoir été incarcérés pendant près d’un an, ils devront, en attendant une nouvelle audience programmée pour mars 2019, pointer une fois par semaine dans un commissariat.
Les loupés judiciaires sont désormais courants.
Il n’est, en effet, pas de mois où l’on n’apprend que tel délinquant a été relâché, faute d’un magistrat pour traiter son dossier, ou bien à cause d’une faute de procédure imputable, le plus souvent, à l’erreur d’un juge par ailleurs surbooké.
Il faut bien admettre que la situation de l’administration judiciaire, en France, est des plus préoccupantes.
Si l’on se fie aux rares chiffres disponibles, le nombre de juges professionnels pour 100.000 habitants est aujourd’hui de 10,7, soit deux fois moins que la moyenne européenne.
Quant au nombre de procureurs, il est de 2,9 alors que la même moyenne européenne se situe à 11,8. Ces chiffres placent donc notre pays en queue de peloton des autres pays européens, pas bien loin de pays que l’on qualifierait sans hésitation de sous-développés.
Au-delà du nombre insuffisant de magistrats, le nombre d’affaires traitées par les parquets est également largement pénalisant.
Ainsi, si la moyenne européenne d’affaires traitées pour 100.000 habitants par les procureurs de l’ensemble des pays concernés est de 3;482, elle est de 7.990 dans l’Hexagone.
Et la situation n’est pas près de s’arranger.
Tout d’abord parce que le nombre de magistrats demeure structurellement insuffisant.
Estimé à un peu plus de 8.000 (8.015, précisément, en 2015), leur nombre n’évolue pas.
Bien plus : il diminue même progressivement sous le coup des départs à la retraite des générations concernées.
Ensuite parce que la profession n’attire pas.
Crise des vocations, baisse du niveau de recrutement, conditions matérielles de travail dégradées : l’hermine ne fait plus recette.
Enfin, les réformes de la procédure pénale, qui prévoient dans certaines affaires une collégialité dévoreuse d’effectifs, achèvent de fragiliser une institution maintenant à bout de souffle.
C’est donc peu dire que la Justice a besoin d’une réforme en profondeur.
En termes d’organisation tout d’abord.
Où l’on s’aperçoit que le nombre de juridictions (174 tribunaux de grande instance en France en 2015, dont 7 pour l’outre-mer) est largement disproportionné par rapport au nombre des magistrats disponibles.
En matière de recrutement, ensuite. N’est-il pas temps que les fonctions de magistrats soient ouvertes au privé et permettent à ceux de nos concitoyens qui le souhaitent et qui en ont le niveau, de participer, au moins pendant un temps, à l’exercice de la Justice.
En réintégrant, ensuite, au sein des juridictions, les magistrats actuellement détachés dans d’autres administrations ou d’autres structures (un peu plus de 200) et dont la présence n’est pas véritablement en cohérence avec leurs fonctions initiales.
En améliorant, enfin, les conditions d’exercice du métier de magistrat pour le rendre notamment plus attractif.
Telles sont quelques-unes des pistes qui pourraient permettre à notre pays de sortir de la situation honteuse dans laquelle il se trouve aujourd’hui en matière de Justice.
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