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jeudi 13 juillet 2017

Budget défense : le coup de gueule du chef d’état-major des armées

Le 13/07/2017


Auditionné ce matin en commission de la défense de l’Assemblée nationale, le chef d’état-major des armées Pierre de Villiers n’a pas caché sa colère suite aux 850 millions d’euros de coupes imposées au ministère.
                        
"Je ne vais pas me faire b… comme ça".
 C'est, de sources concordantes, le rugueux cri du cœur poussé ce matin par le chef d'état-major des armées Pierre de Villiers aux députés de la commission de la défense, au lendemain de l'annonce par Bercy d'une réduction des crédits de 850 millions d'euros en 2017.
 "Le grand écart entre les objectifs assignés à nos forces et les moyens alloués n'est plus tenable", a assuré le général de Villiers lors d'une audition à huis clos.
 "On a déjà tout donné", a-t-il martelé, répétant que l'armée est déjà à l'os, avec des effectifs militaires passés de 241.000 à 203.000 personnes de 2008 à 2015.
 "Il a tapé du poing sur la table, et pas seulement au sens figuré', relate un témoin.
 De mêmes sources, le chef d'état-major des armées, très applaudi à l'issue de sa présentation, a prôné un budget défense de 34,8 milliards d'euros dès 2018, soit une hausse de plus de 2 milliards, dans la droite ligne de ses préconisations des derniers mois.
La grosse colère du plus haut gradé français n’a rien d’étonnant.
Pierre de Villiers avait fait de l’obtention de moyens suffisants pour les armées la condition de sa prolongation d’un an comme CEMA.
Les 850 millions de coupes, auxquels s’ajoutent 40 millions d’annulations de crédits selon la Tribune, ressemblent bien à un coup de canif dans le contrat, alors qu’Emmanuel Macron et Edouard Philippe ne cessent de répéter l’objectif d’un budget de défense à 50 milliards d’euros en 2025, contre 32,7 milliards actuellement.
 Soit les fameux 2% de PIB promis par le candidat Macron durant sa campagne présidentielle.

Timing étrange
Le timing des annonces a aussi de quoi laisser songeur : les coupes, qui représentent 20% de l’effort total demandé aux ministères, ont été annoncées à quelque jours du défilé du 14 juillet, et la veille de la publication au journal officiel de l’arrêté officialisant la prolongation du mandat du mandat du chef d’état-major des armées jusqu’au 31 juillet 2018.
 Un étrange cadeau du 14 juillet pour des armées mises à rude épreuve par les opérations extérieures (Sahel, Levant) et intérieures (Sentinelle).
Reporter l’objectif le rend encore plus difficile à atteindre : tenir les 50 milliards d’euros de budget défense en 2025 nécessitait déjà 17,3 milliards supplémentaires  en huit ans.
Avec les coupes, il faudra trouver 18,2 milliards en sept ans. Soit une hausse de l’ordre de 2,6 milliards par an !
Certes, le premier ministre Edouard Philippe assure que la défense pourra compter sur une hausse de son budget dès 2018.
 "Il faut faire crédit au gouvernement de son intention d'augmenter les moyens de l'armée dès l'année prochaine", assure le député du Tarn Philippe Folliot (LRM). Mais d'autres parlementaires assurent que le compte n'y est pas.
"Alors qu’une remontée en puissance des moyens de nos armées est absolument indispensable pour faire face aux menaces extérieures et intérieures, on assiste au contraire à une mise en danger du ministère des Armées", a dénoncé Christian Cambon, nouveau président de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, dans un communiqué publié le 12 juillet.

Macron en pacificateur ?
Les premières voix discordantes apparaissent même au sein de la majorité présidentielle.
Premier à monter au front, Gwendal Rouillard, député du Morbihan, très proche de Jean-Yves Le Drian : "La proposition de Bercy est inacceptable, assure-t-il à Challenges.
Les engagements du président de la République doivent être tenus et respectés, jusqu'à Bercy.
Cela n'aurait aucun sens de viser 2% PIB pour défense en 2025 si on n'est pas au rendez-vous en 2017-2018.
Il faut donner un signal à nos forces de sécurités intérieures et aux armées."
La nécessité de contenir le déficit à 3% du PIB ?
 "Je partage l'objectif, pas le calendrier, résume Gwendal Rouillard. Je souhaite un calendrier différent qui permette de tenir nos engagements régaliens, notamment l'accélération du programme Scorpion de renouvellement des blindés de l'armée de terre.
Il est inacceptables que 60% du parc des véhicules de l'armée de terre ne soient pas blindés.
 Combien de temps va-t-on continuer à pleurer nos morts quand ils sautent sur des mines ?"

Emmanuel Macron va-t-il saisir l’occasion de son passage à la réception de l’hôtel de Brienne, offerte à l’occasion de la fête nationale le 13 juillet en soirée, pour remettre en cause l’arbitrage de son gouvernement, et apparaître comme le sauveur des armées ?

 François Hollande avait déjà utilisé la recette à plusieurs reprises, avec un certain succès.

 Le chef de l’Etat va en tout cas devoir jouer serré, entre l’objectif de contenir le déficit sous les 3% de PIB, et la colère grandissante au sein d'armées auxquelles il a beaucoup promis. 

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