Le 03/05/2016
Ils sont ravis et encore tout étourdis. Le couple Magué, en offrant ses médailles de famille à la veuve d'un soldat russe mort en Syrie, était loin de penser qu'ils recevraient une invitation personnelle de Vladimir Poutine.
© Sputnik. Alexeï Drouginine
La vie est décidément imprévisible et le couple Magué n'en revient toujours pas: "On a été estomaqués, très touchés. On ne s'attendait pas à ce que ce geste qui vient du cœur ait une telle portée".
Depuis qu'ils ont fait don de leurs médailles familiales à la veuve d'un soldat russe mort en Syrie, c'est l'avalanche de remerciements.
À tel point le président russe lui-même les a conviés à Moscou pour assister, aux premières loges, au défilé militaire du 9 mai.
Ils ont appris la nouvelle de la bouche de l'Ambassadeur de Russie en France, qui s'est déplacé personnellement à leur domicile pour leur transmettre le message de son président.
Tout commence à la fin du mois de mars, lorsque les médias russes annoncent la mort d'un jeune officier en Syrie: son acte aussi brave que terrible a été peu relayé en France, mais les Magué ont peut-être permis de le révéler.
Alexandre Prokhorenko, dont la mission sur le site antique de Palmyre consiste à repérer au sol les cibles des futures frappes aériennes, se retrouve piégé par les terroristes de Daech.
Il demande alors à son commandant d'ouvrir le feu sur lui: le jeune homme de 25 ans est pris dans les bombardements, les djihadistes avec.
La nouvelle est relayée sur une page Facebook: c'est de cette manière que les époux Magué apprennent, bouleversés, la mort "en héros" de l'officier et décident d'honorer son geste en offrant à la veuve du militaire une Croix de guerre 39-45 et une Légion d'honneur gagnées au champ d'honneur par des membres de leurs familles.
Tous deux ont alterné leurs carrières professionnelles entre le militaire et le civil: mais c'est surtout à travers un souvenir très intime qu'ils sont touchés de plein fouet: "On a fait le rapprochement avec notre fils qui est mort, non pas en combattant, mais à Sarajevo en Bosnie. Cela fait maintenant 15 ans, et on l'a appris comme ça, par un coup de fil".
Frappés à nouveau.
Immédiatement, les Magué pensent aux proches d'Alexandre, à ses parents et à sa femme, enceinte, qu'ils imaginent "dans le malheur le plus complet".
Ils s'interrogent:"Pourquoi personne n'en parle? "
Ils décident donc d'envoyer aux proches d'Alexandre ce que leur propre famille a reçu de plus valeureux, une Croix de guerre 39-45 et une Légion d'honneur; ils en informent l'ambassade russe à Paris: sans le savoir, ce sera pour eux le début d'un long voyage.
© Sputnik.
De De Gaulle à Poutine : l’impressionnante collection des Magué
Ces décorations ne sont pas les seules que la famille a reçues, mais elles revêtent un caractère particulier.
La Légion d'honneur a été attribuée à l'oncle de Micheline Magué: "C'était mon parrain, je l'aimais beaucoup".
Radioélectricien et membre du réseau de résistants "Alliance", il a été arrêté par la Gestapo et déporté à l'âge de 17 ans, direction Buchenwald.
Il n'a pas voulu sauter du wagon, contrairement à son patron qui s'est échappé, car il y aurait eu "des représailles sur sa famille".
La Croix de guerre a appartenu au père de Micheline, pilote bombardier qui avait répondu à l'appel du 18 juin du général de Gaulle, et également décoré de l'ordre du mérite syrien.
Pas surprenant alors que le fils Magué ait suivi les pas de ces aïeux, devenu alors capitaine dans le génie: "Quand je le faisais sauter sur mes genoux, c'était avec des marches militaires", confie-t-elle.
Il y a toujours eu un fil conducteur avec la Russie: au Sahara occidental où il a œuvré, un officier russe lui a avait légué sa casquette.
Après ce don, les remerciements se sont multipliés: courriers de France, de Belgique et de Russie et même des traductions d'articles de presse.
D'autres ont pris exemple et envoient argent ou même médailles à la famille Prokhorenko.
Amateurs de Tolstoï, d'Eisenchtein ou encore de Borodine, les Magué vont découvrir un autre visage de la Russie, destination à laquelle ils ne s'attendaient pas: "On a fait le rapprochement avec la douleur lorsqu'on a perdu nos fils, quand ses parents ont perdu le leur, et quand ces gens ont perdu leur fils aussi à 25 ans.
Et ça s'est arrêté là, on ne voulait pas faire autre chose, ni de politique, ni quoi que ce soit".
Ce défilé du 9 mai auquel ils sont conviés célèbre le "Jour de la Victoire": événement relativement peu mis en avant dans les manuels scolaires outre-Volga, la libération de Berlin par les Soviétiques, qui fuit suivit par la capitulation de l'Allemagne nazie, fait l'objet chaque année en Russie depuis 1965 d'une cérémonie aussi faste qu'exaltée sur la Place rouge: défilé des différentes unités terrestres, matériel militaire et survol de l'aviation.
Ce n'est donc pas rien d'avoir convié ce couple de retraités de Florensac, installé depuis 20 ans dans cette petite commune de l'Hérault. Toutes les histoires se recoupent, mais les époux raisonnent: "Il faudra que les guerres s'arrêtent, un jour ou l'autre".
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