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Par Damien Lempereur , Brice Wartel
Publié le 04/03/2016 à 16:25
FIGAROVOX/TRIBUNE - Le 26 février, la Commission européenne a lancé une enquête sur la prise de contrôle d'Arianespace par Airbus.
Damien Lempereur et Brice Wartel y voient la responsabilité du dogme de la concurrence libre et non faussée qui pénalise l'industrie des pays européens.
Damien Lempereur et Brice Wartel y voient la responsabilité du dogme de la concurrence libre et non faussée qui pénalise l'industrie des pays européens.
Damien Lempereur est avocat et délégué national de Debout la France.
Brice Wartel est avocat.
Le 26 février 2016 restera dans l'histoire de l'industrie spatiale européenne comme un jour de deuil, le jour où la Commission européenne a empêché le mariage d'Airbus et d'Ariane par crainte de créer un numéro un mondial qui écrase les concurrents américains, russes et chinois.
Peut-on encore croire que l'avenir de l'Europe passe par les technocrates de Bruxelles après un tel fiasco?
En Europe, Airbus fabrique seul des satellites et, en partenariat avec Safran, les fusées.
Quant à Ariane, elle envoie les satellites dans l'espace et les met en orbite.
Ariane, Airbus et Safran souhaitent donc rassembler toutes leurs activités spatiales au sein d'une seule entreprise (appelons-la Airbus-Ariane).
Cette association permettrait de diminuer les coûts et d'atteindre la taille critique pour faire face non seulement aux satellites de Boeing, mais aussi aux fusées américaines de SpaceX (le protégé de la NASA) et aux autres concurrents américains, russes et chinois - tous massivement subventionnés et protégés par leurs Etats respectifs.
La menace était sérieuse pour les concurrents d'Airbus et Ariane, notamment SpaceX et Boeing. Heureusement pour eux, l'Union Européenne vient d'intervenir pour les protéger...
La Commission de Bruxelles vient en effet de bloquer jusqu'à nouvel ordre la création d'Airbus-Ariane parce qu'elle est «inquiète» et «craint un verrouillage» du marché des satellites au détriment de ses concurrents étrangers.
La création d'Airbus-Ariane «risque» aussi d'encourager Ariane à avantager les satellites d'Airbus, notamment au détriment de Boeing.
Renforcer à la fois Ariane et Airbus?
Prendre une longueur d'avance sur la NASA de SpaceX et sur Boeing?
Créer une «position dominante» mondiale pour une entreprise européenne?
C'est trop pour la Commission: la religion de la «concurrence libre et non faussée» ne le permet pas.
L'autre raison du refus de la Commission de Bruxelles est la «crainte» que les entreprises du secteur spatial ne soient plus «incitées à innover» en raison de la trop grande puissance d'Airbus-Ariane. Comme si la conquête de l'espace n'était pas par nature innovante!
Bruxelles n'a manifestement pas envisagé que si Airbus et Ariane menacent d'écraser leurs concurrents hors d'Europe, c'est à ses concurrents d'investir et d'innover pour rattraper leur retard.
Ils ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes s'ils ne restent pas compétitifs.
La création d'un numéro un mondial européen n'est à aucun moment vue comme une chance, mais seulement comme un risque!
Cette décision au raisonnement absurde ferait presque sourire si elle n'était pas aussi dramatique et révélatrice.
Décision dramatique parce que la Commission de Bruxelles continue à étouffer nos industries au nom d'un dogme fou de la «concurrence libre et non faussée».
Imagine-t-on le gouvernement américain interdire à Google, Amazon, Facebook et Apple de «verrouiller» le marché ou de «favoriser» leurs propres services au détriment des entreprises européennes?
Cette décision s'ajoute à la longue liste des refus de créer des champions européens, une liste où l'industrie aérospatiale européenne figure malheureusement déjà en bonne place.
Décision révélatrice parce qu'elle illustre l'opposition fondamentale entre deux conceptions de l'Europe: l'Europe qui réussit, celle des alliances entre nations, celle d'Airbus et Ariane ; et l'Europe qui échoue, celle de Bruxelles et des technocrates.
A chaque échec de «l'Union européenne», les euro-béats répondent «oui mais regardez Airbus et Ariane», qu'ils invoquent à tort comme preuve de la réussite de l'Union européenne.
Faut-il rappeler que ces réussites sont antérieures à la création de la Commission européenne?
La décision du 26 février le confirme: l'Union européenne actuelle est l'ennemie d'Airbus et d'Ariane, pas leur alliée.
Quelles leçons faut-il en tirer?
Airbus et Ariane sont les plus beaux exemples de coopération européenne et pratiquement les seuls grands succès de cette coopération au cours des quarante dernières années.
Le secret de leur réussite est justement, ou plutôt était, qu'ils échappaient à l'Europe de Bruxelles. Maintenant que la Commission de Bruxelles peut contrôler Airbus et Ariane, elle s'empresse de leur couper les ailes au nom de «la concurrence».
Au même moment, les Etats-Unis et la Chine laissent le champ libre à leurs champions nationaux.
Airbus et Ariane doivent rester des associations entre Etats souverains, des alliances au cas par cas en fonction des intérêts communs de tel ou tel pays, sans aucun droit de regard de la Commission européenne.
Airbus et Ariane sont la démonstration que l'Europe qui réussit est l'Europe des patries chère au Général de Gaulle, l'Europe libérée des technocrates, l'Europe lucide qui raisonne en fonction de ses intérêts plutôt que des idéologies ou des dogmes.
L'Union Européenne actuelle combine les pires défauts de la concurrence sauvage, avec les pires défauts du contrôle technocratique, comme le montre cette interdiction de l'alliance entre Airbus et Ariane.
Pour nos entreprises et pour la France, il est temps de changer d'Europe.
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