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dimanche 21 septembre 2014

Le "modèle suédois" à bout de souffle .

Mercredi 17 Septembre 2014 à 05:00



Jimmie Akesson, chef de file des mal nommés « Démocrates suédois », parti d'extrême arrivé en troisième position - Anders Wiklund/AP/SIPA

Jimmie Akesson, chef de file des mal nommés « Démocrates suédois », parti d'extrême arrivé en troisième position - Anders Wiklund/AP/SIPA
 
 
Régulièrement invoquée comme une référence politique, encore récemment par le président Hollande, ou présentée comme notre futur politique à tous, le modèle suédois s'est révélé un véritable mirage.
 
Aux dernières législatives, l'extrême droite suédoise a doublé son score et aucun parti n'est en mesure de constituer une majorité.
 Le tout, après une campagne essentiellement basée sur la critique du démantèlement des services publics et de la politique migratoire du pays.
Son système de santé, son éducation, sa fiscalité, sa maîtrise des dépenses publiques, d'autres citeront encore Zlatan ou ses étagères Ikea !
 La Suède était un paradis politique régulièrement convoqué par nos élites bien pensantes (qui en oubliaient, au passage, qu’elle n’avait pas rejoint l’eurozone), présentée par les mêmes comme la solution à tous nos maux. 
 
En fait, chacun y voyait ce qu’il voulait.
 Attali en faisait dégouliner les références dans son rapport sur la libération de la croissance, Philippe Aghion, l’économiste préféré de François Hollande lui déclarait encore son amour dans une tribune au Monde en janvier 2013, comme une preuve que « l’austérité, ça marche » !
 Le Wall Street Journal en faisait l’éloge régulièrement dans ses pages, en comparaison avec les vieux modèles étatistes européens tandis que Christian Noyer, le président de la Banque de France, rêvait de sa flexisécurité. 
 
L’évidence de toutes ces réussites fantasmées sautait tellement aux yeux qu’il était temps que les Suédois donnent leur avis sur la question. 
 
Le résultat des dernières élections législatives qui ont vu une poussée historique de l’extrême droite et une victoire des sociaux-démocrates contre les conservateurs au pouvoir depuis huit ans devrait — peut-être — faire naître un début de doute dans l’esprit des adorateurs aveugles du modèle suédois.
 Car aujourd’hui, le pays paraît ingouvernable.
 Aucun des partis n’est parvenu à obtenir la majorité absolue, la gauche sociale-démocrate (qui a confisqué le pouvoir pendant soixante-dix ans) a plus bénéficié d’un vote naturel d’alternance que d’un véritable élan d’adhésion.
 En prime, avec 13 % des suffrages, l’extrême droite est en position de « faiseur de roi ».
 
Mais retour à la campagne qui, dans les faits, s’est focalisée sur deux questions : les privatisations — ou le démantèlement des services publics — et l’immigration, soit les deux mamelles du libéralisme politique, amplifié par les conservateurs mais dont les sociaux-démocrates avaient largement posé les bases sous couvert de modernisation. 

Des fonds d'investissements dans les écoles et les maisons de retraite
 
Depuis une dizaine d’années, le système scolaire s’est considérablement dégradé à mesure que la proportion d’établissements scolaires privés explosait dans le pays.
 La Suède a régulièrement perdu des places au classement Pisa dans l’indifférence générale des observateurs qui continuaient à vanter la mécanique irréprochable du modèle. 
Dès 2012, le think tank libéral suédois SNS  reconnaissait d’ailleurs dans un rapport que la privatisation de l’éducation n’avait eu aucun effet positif. 
En 2013, le pays s’est même retrouvé en dessous de la moyenne des membres de l’OFCE.
 En cause, notamment les « friskol »,  ces écoles privées censées révolutionner le système scolaire du pays : moins d’enseignants recrutés, moins qualifiés.
La révolution a eu lieu : des milliers d’élèves privés d’école et 1 000 enseignants au chômage suite à la faillite d’un fonds d’investissement spécialisé.

 Depuis, le système n’a pas été repris en charge par l’Etat mais par des associations à but non lucratif…
 
Le système de santé a présenté aussi les symptômes d’un mal inquiétant.
 En 2013, l’OCDE en faisait un modèle d’efficacité notamment dans la prise en charge des personnes âgées.
  Une analyse statistique pas forcément partagée non plus par les Suédois, beaucoup plus marqués par le scandale Carema, du nom d’une filiale d’un fonds d’investissement spécialisé dans le soin aux personnes âgées et dont la presse révèlera les mauvais traitements pratiqués dans ses maisons de retraite et... ses pratiques d’évasion fiscale massive. 
Ironie du sort, l’affaire fut révélée par le plus important quotidien de Suède Dagens Nyheter, en 2012.
 Le même qui, en 1997, clamait dans un éditorial : « Laissons le marché prendre le contrôle du système de santé ! »
 
D’autres affaires du même type suivront, achevant de dégoûter les Suédois des dérives de son système de soins.
 Passons aussi sur le délabrement général du système ferroviaire en grande partie géré par des compagnies privées. 
 
Si la santé de l'économie suédoise est l'une des rares à être encore notée « AAA », le taux de chômage des jeunes y oscille depuis des années entre 20 % et 25 %, soit entre trois et quatre fois celui de la population totale.
Au point que les jeunes suédois en viennent à quitter leur pays pour trouver un premier emploi ailleurs...
Bref, la Terre promise de l'austérité suédoise n’a pas tenu tous ses engagements. 

Hollande, fan du modèle suédois 
 
Citée en modèle pour son ouverture, la Suède échappait aussi à la montée en puissance des partis d’extrême droite.
Un répit de courte durée.
Aux dernières législatives, la très policée extrême droite suédoise — qui se fait appeler les « Démocrates suédois »… — a doublé son score recueillant 13 % des suffrages. 
 
En cause, la politique migratoire libérale du pays : la Suède est devenue ces dernières décennies l'une des premières destinations des immigrants en Europe, dont des ressortissants d'Irak, d'Afghanistan, de Somalie, des Balkans et récemment de Syrie.
L'agence de l'immigration a ainsi demandé en juillet une rallonge de 48 milliards de couronnes (5,2 milliards d'euros), en plus des 91 milliards déjà budgétés pour les quatre prochaines années.
 Au moment de reconnaître sa défaite, le Premier ministre suédois, Fredrik Reindfelt a d’ailleurs rompu avec le consensus pro-immigration de la Suède, affirmant que le coût de l’accueil des demandeurs d’asile laisserait moins de marges pour dépenser en matière d’emploi et d’éducation. 
 
Dans un « chat », faisant suite aux émeutes survenues à Stockholm en mai 2013, le correspondant suédois du Monde, Olivier Truc faisait déjà le constat de l’échec du modèle d’intégration suédois :
 
« Une des principales questions soulevées est celle de l'échec scolaire dans les banlieues. Un débat au Parlement a été convoqué le 31 mai pour traiter des conséquences de ces émeutes. Les questions de cette bombe à retardement que constitue la situation dans certaines banlieues seront au centre, car le constat général, qui n'est pas nouveau, est que la politique d'intégration suédoise ne fonctionne pas ».
 
Une bombe à retardement fondée sur une quête sans fin d’économies budgétaires et l’illusion entretenue de préservation dans le même temps d’un modèle social.
Or, le fameux modèle social suédois n’a pas résisté à ces coupes budgétaires et privatisations.
La réponse politique ne s’est pas fait attendre, de même nature que dans la plupart des autres démocraties européennes.
 Ceux qui y croient toujours se rassureront sans doute en voyant dans le retour des sociaux-démocrates — s’ils parviennent à constituer une majorité — un appel à l’Europe.
 Pas sûr.
Les « Démocrates suédois » ont, eux, prospéré sur le rejet de l’Europe.
 Au point de se demander si le modèle suédois annoncé parfois comme notre futur politique à tous, n’a pas fait là que rattraper son retard. 
 
En janvier dernier, recevant le Premier ministre suédois aujourd'hui déchu, notre très inspiré président Hollande en faisait encore sa référence politique : « J'estime qu'il est possible de faire des économies, nombreuses, tout en préservant notre modèle social. D'autres pays l'ont fait, et des pays qui avaient cette tradition sociale. Je pense aux pays d'Europe du Nord, notamment qui en sont sortis plus dynamiques et plus solidaires » déclarait le président français.

 Un hommage politique que le Premier ministre suédois aurait du prendre comme un avertissement…

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