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samedi 27 septembre 2014

Six mois de prison avec sursis requis contre «Mamie Loto»

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Par Delphine de Mallevoüe
Mis à jour le 26/09/2014 à 11:31
Publié le 26/09/2014 à 11:28


 Yvette Bert est poursuivie par la justice pour avoir organisé 169 lotos caritatifs. Crédits photo : PHILIPPE HUGUEN/AFP
 
Jugée pour ses tirages du dimanche, Yvette Bert, 76 ans, risque la prison avec sursis et près de 100.000 euros d'amende.
 
Son entourage tombe de l'armoire et Yvette, elle, est au fond du gouffre.
Une peine de six mois de prison avec sursis, un redressement fiscal de 88.000 euros et une amende de 6000 euros ont été requis hier contre cette habitante du nord de 76 ans, affectueusement surnommée «Mamie Loto» par la population locale.
 
Yvette Bert est poursuivie par la justice pour avoir organisé 169 lotos caritatifs en quatre ans dans sa région, à Saint-Omer (Pas-de-Calais).
De ces lotos populaires, prisés par les retraités, les clubs sportifs ou les corporations de métiers, qu'on organise dans les salles des fêtes pour passer le temps et récolter un peu de monnaie pour une association d'entraide ou de loisirs.
Des tirages au sort dont les lots sont plus souvent un panier garni ou une perceuse électrique qu'un séjour «all inclusive» aux Maldives.
À travers son association «Ensemble pour l'espoir», Yvette Bert organisait ces lotos bingos pour diverses associations œuvrant pour l'enfance ou luttant contre la mucoviscidose.
Pour elles, elle avait récolté 460.743 euros en quatre ans.
 Une activité du dimanche qui lui faisait encourir trois années d'emprisonnement.
 
«Elle reversait tout aux associations sans tirer aucun profit, si ce n'est de quoi compenser ses frais de fonctionnement, s'indigne Me Claire Lamoril-Houtart, avocat d'Yvette Bert. Si certains en vivent, ma cliente pas du tout! La justice veut en faire un exemple. Si enrichissement il y a, c'est l'État qu'il faut désigner car c'est lui qui se remplit les caisses!».

Avec ses 620 euros de retraite et son profil de Mamie gâteau plus que grand-mère escroc, le procureur Adam Chodkiewiez a nuancé les charges contre elle en admettant avoir «bien conscience que Mme Bert a été dépassée par la situation», qu'elle «ne s'était pas mis beaucoup d'argent dans la poche».

Des loteries d'amateurs

Les affaires comme celles-ci se multiplient dans toute la France depuis plusieurs années, aboutissant à des condamnations lourdes.
 Saisies immobilières, prison, amendes de plusieurs millions d'euros…
 Récemment encore, ce sont deux retraités octogénaires du Poitou, un ancien militaire et un ancien cadre supérieur de santé, qui ont vécu garde à vue, saisies bancaires, hypothèques, amende de 850.000 euros et 5 mois de prison avec sursis pour avoir organisé des lotos bingos pour le compte de plusieurs associations locales.

 Coupables de «loteries frauduleuses» et d'«ouverture illégale de maison de jeux», les deux chevaliers de la légion d'honneur se battent aujourd'hui pour récupérer le leur, disent-ils dans une pétition.

En octobre prochain, devant le tribunal d'Albi, ce n'est pas moins de 39 millions d'euros que les douanes réclament à un animateur de loto et un loueur de salle pour les mêmes pratiques.
La loi française prohibe l'organisation de lotos avec des mises supérieures à 20 euros.
Elle interdit aussi toute publicité sur ces jeux de hasard, les affiches qu'on colle à la boulangerie du quartier comme les flyers à distribuer au chaland ou les annonces dans la presse locale.
De quoi lutter contre les trafics et les malversations, le grand banditisme choyant ces loteries pour s'enrichir ou blanchir son argent sale, selon la direction générale des douanes qui s'inquiète de la propagation du phénomène ces dernières années.

Moraliser la pratique

Mais pour les avocats spécialistes de ces affaires, qui dénoncent un flou juridique pour ces loteries amateur, en cercles restreints, cette loi est «mal faite», «injuste» et «hypocrite», s'indigne Me Pascal Bibard qui se bat pour «la faire changer».
«C'est vrai qu'il y a des magouilleurs mais peut-on réserver le même traitement à ces derniers et aux petites gens sans le sou qui espèrent compléter leur retraite ou leur smic?», interroge-t-il.
Surtout, les services fiscaux calculent l'impôt à redresser en additionnant les mises des joueurs multipliées par le nombre de lotos dans l'année, confondant ainsi le chiffre d'affaires réalisé pour le compte des associations et le montant des prestations perçu par les organisateurs.
L'avocat, en avril dernier, avait soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), sans produire d'effet.
 La cour de cassation, à qui elle avait été transmise, l'avait rejetée.
 Me Bibard entendait défendre alors que les dispositions fiscales de cette loi étaient contraires à la Constitution, «l'impôt dépassant les 100 % des revenus», explique-t-il.
 Une autre QPC est dans la manche de l'avocat qui se dit en outre prêt à aller devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), compétente à statuer sur l'impôt.
 
La «course au chiffre des douanes» et la «manne d'un marché qui échappe au lobby de La Française des Jeux» expliquerait cette chasse ouverte aux lotos bingos, selon un autre avocat qui n'hésite pas à parler de «véritable scandale».

 En outre, pour Me Bibard, si l'on veut moraliser la pratique, commençons par les douanes elles-mêmes qui organisent leurs lotos aussi!», dit-il en brandissant des pubs dans la presse qui appellent à venir à leur loterie.
 
Jusqu'au 6 novembre, date où le jugement d'Yvette a été mis en délibéré, la septuagénaire compte sur le réconfort des collectifs de soutien et pages Facebook qui se sont montés pour elle.

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