Ce lundi matin, Rachida Dati, ministre démissionnaire de la Culture, était l’invitée de la Grande Interview Europe 1-CNews.
Il aura fallu attendre la dernière minute pour qu’un autre sujet que les JO soit abordé, un vrai sujet culturel et patrimonial, celui-là : la volonté réaffirmée du chef de l’État d’installer des vitraux modernes dans les chapelles restaurées de Notre-Dame.
Pourtant, comme nous l’évoquions ici, la Commission nationale de l’architecture et du patrimoine (CNAP) rendait, le 11 juillet dernier, à l’unanimité, un avis négatif sur le sujet. En accord avec les rapports de l’Inspection générale des monuments historiques et de l'historien de l'art Alexandre Gady, ils fondaient leur décision sur la Charte de Venise, laquelle prohibe le remplacement d’éléments anciens bien conservés par des éléments modernes. Or, les vitraux de la cathédrale de Paris n’ont pas souffert de l‘incendie et viennent d’être restaurés grâce à la générosité des donateurs.
Enfin, questionnée à ce propos, Rachida Dati nie « la décision à l’unanimité ». Curieusement, elle n’a pas connaissance, non plus, du « malaise » de certains artistes retenus – ils sont cinq, dont les noms n’ont pas été officiellement communiqués. Pourtant, l’un d’eux s’exprime ouvertement dans les colonnes du Monde. C’est Pascal Convert, un plasticien, écrivain et réalisateur de films documentaires. Ancien pensionnaire de la Villa Médicis, à Rome, il est connu pour avoir réalisé il y a vingt ans, le Monument à la mémoire des otages fusillés au mont Valérien entre 1941 et 1944.
Comme un « malaise »
Conjointement avec Olivier Juteau (maître verrier) et la Maison Lorin (spécialiste des vitraux d’art) qui devaient donner corps à son projet, Pascal Convert a décidé de se retirer du concours le 12 juillet, au lendemain du vote de la CNAP. « J’ai décidé de retirer ma candidature par respect de l’avis de la commission. Je ne peux pas m’associer à une manœuvre qui, une nouvelle fois, disqualifie les corps intermédiaires. Bernard Blistène, que j’ai appelé pour lui annoncer mon retrait, m’a dit que mon dossier avait été sélectionné à l’unanimité et qu’il regrettait mon choix. Mais ma décision est irrévocable », dit-il au Monde. Et d’insister : « Les artistes sont là pour porter l’enthousiasme de la résurrection de Notre-Dame et non pour supporter des querelles politiques qui résultent de décisions unilatérales du président de la République ! » Une analyse partagée par son maître verrier, qui demande : « Pourquoi la CNPA n’a-t-elle pas été consultée en amont, avant de lancer le concours ? La précipitation avec laquelle tout cela est organisé montre qu’il y a quelque chose de pas clair. »
Mgr Ulrich, un prélat bien utile
Rachida Dati trouve, au contraire, tout cela fort limpide.
« Il faut aussi rétablir la vérité », dit-elle au micro d’Europe 1, affirmant qu’il s’agit là de « la volonté de Mgr Ulrich et de l’Église. Ce sont eux qui l’ont demandé [l‘installation de vitraux modernes] au Président. » Une vérité alternative, si l’on peut dire, car « beaucoup estiment qu’Emmanuel Macron a cherché à "s’appuyer" sur l’archevêque de Paris, Laurent Ulrich, pour imposer ses vues », écrit, de son côté, Le Monde. C’est ainsi que, lors de sa visite à la cathédrale le 8 décembre dernier, soit un an jour pour jour avant sa réouverture au public, le Président a déclaré qu’il « donnait une suite favorable à la demande de Mgr Laurent Ulrich ». Lequel Mgr Ulrich a pourtant battu en retraite devant l‘avis de la CNAP en juillet dernier…Qu’importe, le roi dit : « Nous voulons ! » Et le cabinet de Rachida Dati s’est fendu, le 12 juillet, d’un communiqué pour annoncer la poursuite de la procédure et indique que « la CNPA sera à nouveau consultée en fin d’année 2024 afin d’examiner le projet lauréat ».
Rachida Dati ne sera sans doute plus rue de Valois à l’automne, mais Macron sans doute encore à l‘Élysée, se lissant les plumes comme un canard après la pluie. Les élections européennes, les législatives, la dissolution, les avis de la Commission du patrimoine, ceux des Français… tout cela glisse sur lui. Il veut laisser sa trace sur Notre-Dame, celle d’un incommensurable orgueil.
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